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guère à intervenir pour la modifier ; il suffira, pour l’appliquer, d’une série d’actes gouvernementaux. Le gouvernement est assez armé, s’il se sert de toutes ses armes. M. Caillaux le croit, et nous le croyons aussi ; mais nous aurions aimé qu’il indiquât d’une manière plus précise à quelles armes le gouvernement pourra recourir et comment il en usera. Sera-ce avec plus de modération que d’inflexibilité, ou avec plus d’inflexibilité que de modération ? Comme tout le monde, M. Caillaux se préoccupe des associations cultuelles : y en aura-t-il ou n’y en aura-t-il pas ? M. Ribot désire de toute la force de sa raison qu’il y en ait. M. Caillaux aussi ; mais c’est un peu par l’intimidation et la menace qu’il intervient dans le débat. Comme la décision dépend du Pape seul, ce n’est pas en lui enjoignant de démocratiser l’Église par la substitution du principe de liberté au principe d’autorité, qu’on arrivera aie convaincre. Nous préférons la manière de M. Ribot à celle de M. Caillaux.

Il y a enfin le discours de M. Paul Deschanel. C’est à Nogent-le-Rotrou qu’il a été prononcé, et il mériterait une étude particulière ; mais nous sommes obligés d’indiquer bien des choses sans y appuyer. Un caractère commun aux trois discours de MM. Ribot, Deschanel et Caillaux, c’est la place considérable, et plus considérable encore dans celui de M. Deschanel que dans les autres, qu’y tiennent les problèmes sociaux. Évidemment, les esprits s’orientent aujourd’hui de ce côté. La législature, les législatures prochaines y appliqueront la plus grande partie de leurs efforts et de leur temps. M. Deschanel n’a pas attendu le moment actuel pour leur consacrer les siens. Il a été presque un précurseur dans ces matières : aussi a-t-il pu faire une nomenclature complète, — et elle est un peu effrayante par sa longueur ! — de toutes les réformes qui sollicitent, dès maintenant, l’attention du législateur. Parmi tant de choses à faire, il y en a quelques-unes à ne pas faire, et puisque, d’ailleurs, on ne peut pas tout faire à la fois, pourquoi ne pas s’appliquer d’abord aux réformes sur lesquelles l’accord serait le plus facile à établir ? M. Ribot, en a proposé une qui semble bien séduisante. Il est étonné qu’on concentre en quelque sorte tout l’intérêt disponible sur les infirmes et sur les vieillards. L’homme au déclin de l’âge est-il le seul intéressant ? Celui qui entre dans la vie ne l’est-il pas aussi, et peut-être encore davantage ? Ce qu’on donne au vieillard est fort bien placé au point de vue de l’humanité, mais est perdu au point de vue de l’activité féconde. Il n’en est pas de même de ce qu’on donne ou de ce qu’on assure à l’homme qui sort du régiment en pleine possession de ses forces,