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REVUE DRAMATIQUE


COMEDIE-FRANÇAISE : Paraître ! comédie en quatre actes et cinq tableaux, par M. Maurice Donnay. — GYMNASE : Enfant chérie, comédie en quatre actes, par M. Romain Coolus. — ODEON : Glatigny, drame funambulesque mêlé de danses et de chansons, en cinq actes et en vers, par M. Catulle Mendès.


Depuis qu’il y a une société et que la littérature, sous prétexte de la corriger, s’en amuse, aucun sujet plus que la manie de paraître n’a tenté satiristes, moralistes, romanciers et auteurs dramatiques. Sans remonter tout à fait jusqu’au déluge, on peut se souvenir que le vieux d’Aubigné, écrivant pour un siècle de pédans, donnait à son baron de Fœneste un nom qui signifie paraître — en grec ! Et M. Jourdain était un bourgeois qui voulait paraître gentilhomme. Il eût été bien surprenant que le roman et le théâtre contemporains n’eussent pas exploité un si admirable sujet. Balzac a fait de ce travers un des ressorts essentiels de la Comédie humaine. Les Lionnes pauvres d’Emile Augier ne sont que de pauvres petites bourgeoises, qui font solder par qui elles peuvent la note de leur couturière et de leur modiste. Dans Maison neuve de Sardou, nous voyons le commerce à l’ancienne mode, solide et sans trompe-l’œil, se mettre à la mode nouvelle, celle du bluff, qu’on appelait en ce temps-là l’esbrouffe. Labiche lui-même a fait une comédie de la Poudre aux yeux. Dans Fromont jeune, l’âme étroite de Sidonie est abondamment remplie par l’unique et féroce passion de la vanité. C’est donc que la manie de paraître est de tous les temps ; et il y a des raisons pour qu’elle soit surtout de notre temps. La société où nous vivons a cessé d’être fortement encadrée. Non seulement les anciennes distinctions de classes et de rangs ne répondent plus à aucune réalité, et le prestige des biens de fortune s’est accru d’autant ; mais, par suite du va-et-vient des capitaux, de la rapidité avec laquelle