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Dix jours après, une seconde « funzione, » plus solennelle, fêta l’anniversaire du couronnement. Cette fois, le célébrant était un autre cardinal neveu, Julien della Rovere, celui qui devait être Jules II, le pape terrible, le protecteur et le tyran du terrible peintre. Le vieux pontife était de nouveau présent, les doigts chargés des pierreries qu’il aimait, l’oreille attentive au concert des voix, qui peut-être lui plaisaient encore davantage[1].

Il décida que désormais chaque jour, en sa présence ou non, l’office se chanterait à la Sixtine, afin de bien montrer aux visiteurs qu’ils étaient dans une maison de prière et pour les porter eux-mêmes à la piété.

Une année après avoir inauguré sa chapelle, Sixte IV mourut. Mais la plupart de ses successeurs ne devaient pas montrer moins de zèle que lui pour l’honneur et le progrès de la maîtrise pontificale. Il serait intéressant de suivre l’histoire de l’art, avec celle de la Papauté, dans la Sixtine même, et comme au murmure ininterrompu de ses chants. Nous y verrions un jour Alexandre VI causer avec Ascanio Sforza durant toute la messe et ne pas s’agenouiller un instant, fût-ce à l’élévation. Nous assisterions à ces matines glaciales de Noël 1504, où Jules II parut, enveloppé de son grand manteau de soie cramoisi fourré » d’hermine à cause du froid. On avait allumé des braseros dans toutes les pièces attenantes. Dans la chapelle même brûlaient trente-neuf énormes torches de cire blanche, les unes tenues par des gardes, les autres fixées aux chandeliers de la cancellata[2].

Sept ans plus tard. Nous sommes le 15 août 1511 : « Vigile et Fête de l’Assomption de la glorieuse Vierge. Le Pape a voulu assister aux vêpres et à la messe solennelle célébrée par le sacristain dans la grande chapelle palatine. Car cette chapelle est dédiée à la dite Assomption et le Pape y est venu par dévotion, ainsi que pour voir les peintures récemment mises à découvert. »

L’année suivante, le 31 octobre 1512 : « Aujourd’hui dimanche, vigile de Toussaint, le Pape a donné un dîner solennel aux ambassadeurs de Parme… et après dîner il a fait réciter deux comédies en langue vulgaire, avec quelques églogues. Si bien que, lorsqu’il fut temps de se rendre aux vêpres et que les

  1. Voir pour tous ces détails le magnifique ouvrage de M. Ernst Steinmann : Die Sixtinische Kapelle ; München. 1901 [t. I].
  2. D’après Paris de Grassis, cité par M. Steinmann.