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vingtaine d’années, observent et suivent d’un peu près le mouvement religieux contemporain en conviendront aisément, — il n’est aucun pays au monde, — non pas même l’Amérique, — où la vie intellectuelle au sein du catholicisme soit aussi développée, aussi intense que chez nous : on le verrait bien, si nous pouvions dénombrer ici tous les livres ou articles signés de prêtres qui, dans les ordres les plus divers, ont, en ces dernières années, fait honneur au clergé français. Chose plus caractéristique peut-être encore, les laïques, au lieu de se cantonner, comme ils n’y eussent pas manqué jadis, dans leurs spécialités, se sont passionnés pour l’étude du problème religieux sous toutes ses formes, et ils ont aidé les théologiens de profession à en mieux saisir les données actuelles, et peut-être à le mieux poser. Des travaux de très haute portée ont ainsi vu le jour. Grâce à cette active et toute spontanée collaboration des laïques et des prêtres, il s’est fait en France une véritable et singulièrement heureuse refonte des conceptions et des méthodes de la philosophie religieuse, de l’apologétique et de la théologie elle-même. De tels rajeunissemens, qui sont des œuvres avant tout collectives, n’ont jamais lieu à des époques de décadence religieuse. Que d’autres faits non moins suggestifs on pourrait rappeler ! Il n’est aucun pays catholique, — Renan ne nous eût pas désavoué, — qui ait une élite de prêtres comparable pour la distinction intellectuelle, l’élévation morale et religieuse, l’ardeur sacerdotale à ceux que forment quelques-uns de nos grands séminaires. Et enfin à ceux qui sont surtout épris d’activité sociale, on peut dire qu’à cet égard, on ne trouve nulle part l’exact équivalent de ce mouvement si français, si généreux et si plein d’avenir du Sillon. — Vaincu au point de vue politique, traqué, proscrit, persécuté, presque éliminé de la vie publique et des organisations officielles, jamais, en réalité, depuis Bossuet et saint François de Sales, depuis le XIIIe siècle peut-être, le catholicisme français n’a été plus fort, plus fécond et plus vivant.

On le sait bien à Rome ; et là est sans doute la vraie raison de la prédilection singulière que Léon XIII a toujours