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meilleure explication des personnages et de leurs mœurs. Il y manque même quelques-unes des pages les plus dramatiques. Les exigences du théâtre ont rendu l’action moins vraisemblable. La conspiration dont Pepe Rey sera victime s’ourdit contre lui avant que par l’expression de ses idées il ait eu le temps de nous en faire entendre la raison. Si l’exposition est un peu brusque ; il y a, en revanche, dans presque tous les actes, et dans le troisième en particulier, des lenteurs où l’on sent le romancier qui s’attarde. M. Galdés a lui-même indiqué entre deux astérisques les passages que l’on pouvait supprimer à la représentation. N’était-ce point avouer que, gêné par l’habitude et le goût d’un autre genre, il ne sait pas toujours distinguer la patience du lecteur et celle du spectateur ? Les personnages eux-mêmes ont beaucoup perdu au grossissement nécessaire de l’optique théâtrale. Pour ne citer que le principal, la figure de doña Perfecta n’a plus sur la scène les nuances fuyantes qui faisaient sa véritable originalité. Elle est obligée de parler, et quelquefois de s’exprimer avec une franchise violente ; et c’est précisément par ce qu’elle ne disait pas qu’elle était dans le roman la plus significative et la plus conforme à sa véritable nature. Je serais donc tenté de voir dans Doña Perfecta comme un recul de l’art dramatique de M. Galdós. Il importe cependant d’y relever un mérite qui est considérable. La thèse soutenue par le roman y prend plus de largeur et de vérité. Derrière dona Perfecta et son neveu, ce n’est plus seulement une querelle de partis qui s’agite. « Derrière moi, s’écrie Pepe à la fin du second acte, derrière nous, il y a un combat effrayant, principes contre principes. » Mais ce combat n’est point la rencontre inintelligente des négations de l’athéisme et des affirmations dogmatiques ; c’est la lutte pour l’existence de l’esprit moderne espagnol.

L’ingénieur Pepe Rey nous conduit tout droit à l’électricien Máximo Yuste, qui est chargé dans Electra de livrer la même bataille. L’électricien n’est pas moins ardent que l’ingénieur à affirmer sa croyance en Dieu. Ce nous est déjà une garantie que, la pièce de M. Galdós dont le succès fut le plus bruyant, sinon le plus brillant, n’est point du tout une pièce antireligieuse. Je ne crois même pas qu’elle soit dans le texte espagnol une pièce anticléricale. Electra est la fille d’une Eleuteria qui, avant de mourir repentie, a beaucoup aimé et beaucoup péché. Pour racheter cette âme et la sienne avec elle, don Salvador Pantoja,