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de la comedia de l’âge d’or se mêlait assez naturellement au souvenir du romantisme. Mais on commençait à se lasser de ces procédés qui se dissimulaient moins heureusement à force de se répéter ; on en arrivait même à sourire d’un pathétique dont l’énergie sans nuance faisait songer parfois aux violences factices du mélodrame. M. Echegaray lui-même se rendait compte de la nécessité d’un renouvellement, puisqu’il écrivait, en 1891, Un critic incipiente et, en 1892, Mariana. Le théâtre de M. Galdós manifesta dès le début une réaction autrement vigoureuse. Il affecta de renoncer à des conventions épuisées pour tâcher d’emprunter tous ses moyens à la réalité. Mais la réalité est étrangement diverse. Sous quel aspect convient-il de l’envisager ? M. Galdós ne fit aucune difficulté d’avouer que ses préférences allaient vers un drame d’analyse morale qui peignît la vie espagnole telle qu’elle est (ou du moins telle qu’on la voit) et non pas telle qu’elle fut (ou telle qu’on la rêve), et qui dégageât de cette peinture non pas quelque vaine lamentation sur un idéal passé, mais le désir bienfaisant d’un souffle régénérateur. Jusqu’à quel point ce drame était-il possible ? De quelle vérité était-il susceptible ? Et quelle source d’émotions lui était-il réservé de faire jaillir ?


II

Le théâtre de M. Galdós se compose jusqu’à aujourd’hui de treize pièces. Est-ce calcul de leur auteur ? Est-ce plutôt évolution d’une inconsciente logique ? Toujours est-il qu’elles se groupent et se distinguent en trois périodes. M. Galdós s’est d’abord efforcé de présenter aux spectateurs de son pays des thèses morales d’une assez large généralité. Il les a habitués à voir le bruit des idées succéder au cliquetis des épées, et les ressorts de l’activité moderne prendre la place des passions héroïques. Il s’est alors décidé à étudier directement des questions espagnoles, et, sans transformer la scène en une tribune, il a fait entendre des paroles que ses compatriotes n’ont point écoutées d’une oreille désintéressée. Comment s’en étonner puisqu’il soulevait les problèmes les plus graves et les plus actuels, et que, dans une intrigue dont il faut bien que les péripéties s’expliquent et se terminent, l’exposition et le dénouement sont inévitablement portés aux nues ou jetés dans la boue, c’est-à-dire également exploités par l’esprit de parti ? Chacune de ces