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de la Guerre ont enfin obtenu la promulgation, a étendu aux troupes indigènes la retraite proportionnelle à quinze ans de service ; cette mesure, demandée depuis si longtemps par leurs officiers, va certainement augmenter le nombre des rengagés, surtout si la solde atteint le minimum qui est réclamé par le commandement local. Mais il ne faut pas que l’ancien tirailleur, revenu dans son village, s’y trouve étranger à la vie sociale : il garde, — et nous devons nous en féliciter, — l’empreinte militaire ; il répond sans hésiter aux convocations dont il est l’objet comme réserviste ; mais les autorités communales lui reprochent de les méconnaître ; la discipline militaire est devenue son unique loi. Selon sa condition sociale, il sera craint ou méprisé, mais restera en marge de la société annamite, qui est profondément hiérarchisée. Il faut donc que le régiment fortifie au lieu de détruire son éducation civique, et que les chefs militaires de l’Annamite, qui ont su le façonner à ses devoirs de soldat, lui enseignent le respect des autorités civiles, les anciens du village, les mandarins et les administrateurs français ; au moral, nous devons affermir le sentiment de solidarité et les vertus familiales qui sont les grandes forces de cette race, de même que nous combattons ses penchans à la servilité et à la dissimulation. L’ascendant que l’ensemble de nos cadres a su prendre sur nos troupes indigènes leur crée une responsabilité que beaucoup de nos officiers coloniaux ont déjà comprise ; il convient d’entrer plus résolument encore dans cette voie et d’aller jusqu’au bout dans notre rôle d’éducateurs.

En même temps que nous relevons le niveau moral de nos tirailleurs, et que nous complétons leur instruction, nous devons aux meilleurs d’entre eux, en les rendant à la vie civile, un rang proportionnel aux services qu’ils nous ont rendus. Il n’est pas admissible que tels vieux serviteurs, parfois blessés, rentrent après de longs services dans leur village pour y retrouver la situation d’hommes de peine de la commune, soumis de préférence à toutes les corvées : ce fait se produit trop souvent, et c’est là une injustice dont le spectacle est très préjudiciable à notre influence Nous avons le moyen de la faire cesser en rétablissant Je mandarinat militaire dans ses anciennes prérogatives ; il sera la récompense des actions d’éclat et des excellons services. Cette mesure complétera les effets du décret du 25 septembre 1905 qui donne une retraite à nos soldats indigènes à quinze ans de service.