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très réel. Il a lutté avec nos soldats contre les réguliers et les pirates chinois, et même contre les bandes annamites qui défendaient contre nous l’indépendance de son pays : ces longues luttes, parfois très rudes, ont montré toutes ses qualités militaires. En dernier lieu, les auxiliaires indigènes de nos batteries d’artillerie se sont distingués au Petchili en 1890 contre les troupes chinoises. Vigoureusement encadrées, comme elles le sont actuellement, côte à côte avec nos troupes européennes de l’infanterie coloniale et de la légion étrangère, nous ne pouvons douter que nos troupes indigènes fassent bonne figure quel que soit l’ennemi.

Revenu dans son village, le soldat annamite garde l’empreinte militaire. Il répond à tous les appels quand il est convoqué comme réserviste, et la proportion des manquans est moindre en Indo-Chine qu’on France. Évidemment, si les sentimens de la population se faisaient nettement hostiles à notre égard, l’appel des réserves pourrait donner des mécomptes. Pour avoir une bonne armée indigène, il faut faire une bonne politique indigène ; mais nous avons vu que notre administration, après de fâcheux erremens, s’était ressaisie, et le danger paraît s’éloigner. Une fois dans le rang, les réservistes reprennent rapidement le pli militaire et ne se distinguent plus du soldat de l’armée active. Nous pouvons donc compter sur nos réserves, et il faut ajouter que la France est la seule puissance coloniale qui ait pu les organiser : l’Angleterre dans l’Inde, la Hollande à Java, quoique établies dans leurs possessions bien avant que nous eussions songé à nous emparer de l’Indo-Chine, n’ont pas cette précieuse ressource ; et ces nations, dont nous avons tant à apprendre au point de vue administratif, nous sont certainement inférieures au point de vue militaire. Nous devons cette supériorité à la façon dont nos troupes indigènes sont commandées par nos cadres de l’armée coloniale, qui savent comprendre l’indigène, l’assimiler, adapter à ses mœurs la discipline militaire, — et pallier les fautes que nous allons avoir à signaler dans le recrutement et l’administration de nos troupes.

Le service militaire est de cinq ans au Tonkin, et de trois ans en Cochinchine. Le contingent annuel est réparti proportionnellement au chiffre de la population, par province, puis par canton, et enfin par commune. Les notables de chaque commune désignent alors un certain nombre d’hommes à présenter aux