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duché de Chevreuse, reconstitué pour lui, à la première érection qui en avait été faite en 1555 en faveur du cardinal Charles de Lorraine. De même, lorsqu’il obtint de Louis XIV une nouvelle érection du duché de Chaulnes en faveur de son second fils, le vidame d’Amiens, il aurait voulu que l’ancienneté du duché remontât jusqu’à la première érection qui en avait été faite en faveur de Cadenet, le frère du connétable de Luynes, et il faillit tout gâter par cette prétention. De même, au lendemain de la mort de son fils, le duc de Montfort, auquel il avait transféré sa compagnie des chevau-légers, il fit à Versailles un voyage dont l’empressement étonna, pour demander au Roi en faveur du vidame d’Amiens tout ce qu’avait son aîné Montfort, y compris les logemens, et Mme de Maintenon, qui nous fait connaître ce trait, ajoute assez méchamment : « Un quiétiste ne peut être affligé[1]. »

Tel était l’homme vers lequel les regards des courtisans se tournaient comme vers Beauvilliers. Tout quiétiste qu’il fût, pour reprendre le mot de Mme de Maintenon, il n’était pas insensible pour lui-même à cette espérance de fortune, et il savait faire ce qu’il fallait pour la ménager. Depuis quelque temps déjà, et avant même la mort de Monseigneur, il avait cherché à se rapprocher de la Duchesse de Bourgogne qui le redoutait un peu, comme elle redoutait les duchesses de Chevreuse et de Beauvilliers, à cause de leur réputation d’austérité. Toute l’influence de Mme de Lévis, fille de Chevreuse et dame de la Duchesse de Bourgogne, qui lui était tendrement attachée, n’avait pu triompher de, ce malaise dont s’inquiétait Chevreuse, car il tenait à son crédit auprès du Duc de Bourgogne, et il connaissait l’influence de la Duchesse de Bourgogne sur son mari. Une circonstance futile était venue à son aide. La jeune princesse s’était prise de passion pour un jeu un peu oublié, le hoca, que Mazarin avait autrefois introduit à la Cour, mais que peu de personnes savaient. Un soir, à Marly, comme on cherchait quelqu’un pour faire sa partie, Mme de Beauvilliers, non sans intention peut-être, s’avisa de lui dire que le duc de Chevreuse connaissait fort bien ce jeu, y ayant beaucoup joué autrefois. On l’envoya chercher dans le salon où il était, et il demeura, presque en tête à tête avec la Duchesse de Bourgogne, à lui apprendre les règles du hoca,

  1. Mme de Maintenon d’après sa Correspondance authentique, t. II, p. 31.