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pièces qu’écrivait Mme de Montesson dont il fit la Maintenon de ses vieux jours, après une existence où la galanterie avait égalé le courage. Eh bien ! Louis-Philippe d’Orléans a dû fuir la colère de Louis XV, qui voulait absolument le marier contre son gré à la princesse Louise-Henriette de Bourbon-Conti, et il se cache en Angleterre où il ne tarde pas à tomber amoureux de la belle des belles, lady Mary Carlisle. Celle-ci le trouve charmant, ce qu’il est réellement, malgré l’accent français très ridicule dont l’auteur a consciencieusement affublé ses propos d’un bout à l’autre du livre ; elle agrée les hommages du duc de Chateaurien ; c’est sous ce nom qu’il s’est glissé dans la haute société au bras de l’homme qui le hait, et qui est lui-même amoureux de cette fée aux cheveux d’or, lady Carlisle. Vous comprenez bien que le misérable guette sa revanche. Le prétendu duc de Chateaurien est devenu la coqueluche de Bath, par son esprit, son luxe, ses duels, ses façons chevaleresques et séduisantes. L’altière lady Carlisle a complètement perdu la tête. C’est le moment que choisit Winterset pour démasquer son ennemi, et de quelle manière atroce !

Au retour d’une fête à la campagne, tandis que le plus beau couple du monde échange des aveux à la clarté des étoiles, une troupe de mercenaires masqués tombe sur le barbier, comme ils l’appellent à grands cris ; ils l’attaquent six contre un sous les yeux de sa belle, sans que les grands seigneurs d’Angleterre, présens à cette attaque, fassent rien pour le défendre, car Winterset leur a tout dit, sauf sa propre infamie. Jamais d’Artagnan n’eut à livrer de combat plus inégal, jamais il ne se tira mieux d’une lutte impossible. Gravement blessé, quoique cette blessure physique ne soit que peu de chose, au prix de la blessure intime que lui a faite le dédain, subitement exprimé, de celle qu’il adore, le Duc d’Orléans, trop heureux encore d’avoir échappé à la bastonnade et traqué de près par la police de Bath, trouve le moyen de reparaître, avec tous les ordres princiers étalés sur sa poitrine, à une fête donnée bientôt après en l’honneur de son frère, le comte de Beaujolais (un frère qu’il n’eut jamais, par parenthèse)… Au moment où Winterset et ses satellites, avec l’entière approbation de lady Mary Carlisle, vont le faire arrêter, le marquis de Mirepoix, présent à la réception, vient saluer Son Altesse, et le comte de Beaujolais, se jetant dans ses bras, à la française, lui annonce que le Roi renonce à ses