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là-dessus, ni prendre garde à un délai si déplacé, reçut ses services avec toutes les grâces imaginables et toutes les marques d’amitié les plus naturelles. Le désir extrême de la douceur de l’union fit passer Madame la Dauphine généreusement, sur cette nouvelle frasque, comme si, au lieu de Mme la Duchesse de Berry, c’eût été elle qui eût eu tout à y gagner et non à y perdre[1]. »

Toutes ces questions réglées, la vie de la Cour reprit. Durant les quelques jours où il s’était enfermé seul à Marly avec Mme de Maintenon, le Roi avait dressé les listes des courtisans qui y seraient invités. Marly ne tarda pas à être rouvert. Mais le jeu dans les salons fut interdit. La Duchesse de Bourgogne se dédommageait en jouant à l’oie dans son appartement avec ses dames. Cette interdiction absolue ne dura pas longtemps. Sourches nous apprend que « le 7 mai les dames commencèrent à jouer aux cartes chez Mme de Maintenon et l’on sut qu’il seroit permis de jouer dans le salon et ailleurs à toutes sortes de jeux, hormis au lansquenet[2]. » Naturellement il ne pouvait être question de comédie. Le seul plaisir auquel il fût possible de se livrer était la chasse. Tous les princes l’aimaient fort, et le Roi tout le premier. Le lendemain même de la mort de Monseigneur, comme il sentait le besoin de prendre l’air, il avait été tirer dans le parc de Marly. Quant aux princes ses petits-fils, leur plaisir favori était la chasse à courre. L’équipage du loup, qui était une des chasses favorites de Monseigneur, avait été réduit au lendemain de sa mort. Mais on continuait de courir le cerf, tantôt avec l’équipage du Roi, tantôt avec celui du comte de Toulouse : En ce temps- là on chassait en toute saison, ce qui ne laisse pas d’étonner les…..rs d’aujourd’hui. En mai et juin, à Marly, en juillet et août à Fontainebleau, lorsque le Roi s’y transporta, les princes galopaient à cheval dans la forêt par les plus fortes chaleurs. Assez souvent le Roi suivait dans la petite calèche qu’il menait lui-même. Après que la Cour se fut rétablie à Versailles, la plus brillante de ces chasses eut lieu au bois de Boulogne. Il y vint en carrosse beaucoup de personnes de Paris « à qui la Duchesse de Bourgogne, raconte Dangeau, trouvoit moyen de dire ou de faire dire des choses obligeantes, si bien qu’elles s’en retournèrent dans Paris, charmées de sa personne el de ses honnêtetés. » M. d’Armenonville, qui était capitaine des chasses du

  1. Saint-Simon. Édition Chéruel de 1856, t. IX, p. 169.
  2. Sourches, t. XIII, p. 106.