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citoyens très honorables. Chassés de la Société des Amis, ils se distinguèrent les uns dans l’armée rebelle, les autres dans le service civil de l’État. A la fin de la guerre, leur nombre avait fort augmenté. La désignation de quakers libres leur restant, ils formèrent une secte distincte et se firent à eux-mêmes un exposé de doctrine qui peu à peu se confondit avec celui de la branche américaine de l’église anglicane, de sorte que leur nom ne dit presque plus rien à la génération présente. C’est pourquoi le docteur Weir Mitchell, médecin célèbre, poète et romancier tout à la fois, versé en outre mieux que personne ne peut l’être dans les annales de sa ville natale, Philadelphie, a entrepris de rappeler les drames de conscience et l’éveil patriotique, qui s’y produisirent au XVIIIe siècle. Son livre est long et diffus, mais intéressant par les détails mêmes. La vie des quakers à la veille de l’indépendance, dans la ville riche et prospère fondée par William Penn, nous y devient familière. En même temps, le docteur Weir Mitchell indique, avec l’autorité d’un savant très préoccupé des questions d’atavisme, la part de l’éducation sur le caractère d’un enfant quel qu’il soit. « Après, dit-il, que cessent sur lui les influences qui le gouvernaient jusque-là, l’homme doit lutter à son tour contre les effets du sang et de la direction qu’il a reçue ; c’est-à-dire contre la conséquence des erreurs commises par ceux qui l’ont élevé. » La jeunesse de deux quakers, camarades tendrement unis, qui peu à peu échappent, l’un entraînant l’autre, à l’oppression du milieu où ils sont nés, nous attache, racontée par eux-mêmes, beaucoup plus encore que le récit des grands événemens auxquels ils furent mêlés. Il est curieux de voir quels caractères formait la règle inflexible d’une secte parfaitement indifférente à ce que l’enfance eût la part du bonheur dont nous nous ferions un si grand reproche de la priver.

Au reste, les ancêtres de Hugh Wynn n’ont pas toujours porté le grave accoutrement des quakers ; tout petit, il a souvent regardé dans la chambre de son père un tableau qui représente une demeure pareille pour lui à un palais et qui se trouve être, — une indiscrétion l’en avertit malgré tous les soins minutieux pris pour le lui cacher, — la demeure ancestrale des Wynn.

Les quakers ont rompu avec les préjugés du monde, quelques-uns poussent l’humilité jusqu’à défendre que l’on grave un