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Un essaim d’or, au creux d’un frêne,
Vibre en murmures infinis.
Le frais gazouillement des nids
Sur l’hymne des sources s’égrène.

Et dans les plaines tour à tour
Par le soc tranchant sillonnées,
Les futures gerbes sont nées,
Fruits amers d’un rude labour.

Ainsi, tant que l’Astre qui monte
Gravira l’azur éclatant,
J’irai devant moi, feuilletant
Les pages d’un merveilleux conte

Tels mes yeux seront occupés
De ce qui les charme et les touche,
Jusqu’à l’heure où le daim farouche
Descendu des bois escarpés,

Dans le vent, dont un souffle attise
Les brasiers suprêmes du soir,
Hume l’eau de son mufle noir
Encore embaumé de cytise.


STÈLE BRISÉE


Humble vierge, longtemps j’ai contemplé la pierre
Qui scelle lourdement la nuit sur ta paupière.
J’ai ployé le genou sur l’austère tombeau
Qui recouvre à jamais ton visage si beau
Modelé par l’amour en la plus pure argile.
Ton rire frais, tes clairs regards, ton pas agile
Sous un tertre ignoré gisent ensevelis ;
Et la Mort, qui te berce à son vague roulis,
Emporte ton corps tendre en ses flots de ténèbres,
Comme une barque obscure au sein de mers funèbres.