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Heureux qui, de ta sève où fermente la vie,
Se fait un sang de pourpre et des muscles d’acier.
Heureux qui, revenu vers le sol nourricier,
De toi repaît sa faim longtemps inassouvie.

Heureux qui, pour rester viril, gravit les Monts
Et fraternise avec leurs abîmes sauvages.
Heureux qui, las enfin des mornes esclavages,
Aux libres vents du ciel dilate ses poumons.

Heureux aussi qui, sur la glèbe séculaire,
Reconnaît l’âpre sceau d’innombrables aïeux,
Et foule avec amour les sillons glorieux
Dont chaque race attend sa force et son salaire.

Tel je médite, et l’heure après l’heure s’en va ;
Et je mêle, en un tendre hymen qui se consomme,
Aux choses qu’aujourd’hui rêve mon cerveau d’homme
Les choses que jadis mon cœur d’enfant rêva.

Dans la moindre harmonie éparse en la caresse
Des souffles, des rayons, des baumes, tel je veux
Que mon être se fonde en intimes aveux,
Avant que dans la terre obscure il disparaisse.

Tel, pour aimer sans trêve et survivre à l’oubli,
Je veux que, dans le moindre atome dispersée,
Tout l’univers recueille un peu de ma pensée,
Quand de pieuses mains m’auront enseveli.


PLEURS DANS LE SOIR


Mon Dieu, ce jour finit de même qu’il est né.
Dans un sourire et dans une extase il s’achève ;
Et mon cœur, que hanta plus d’un funeste rêve,
Vous le rend aussi pur que vous l’avez donné.