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salons mêmes de Marly. « Bien peut-être, dit Saint-Simon, ne fut jamais si indécent que cette vente des bijoux de Monseigneur qui se fit en plein Marly où chacun achetoit à l’enchère comme à un encan et à un inventaire à Paris, et très ordinairement en présence de Madame la Dauphine même, de Monsieur le Dauphin et de tous les princes et princesses du sang qui s’en amusoient et en achetoient et s’en divertissoient aussi. » Notons cependant que, toujours au dire du même Saint-Simon, le Duc de Bourgogne acheta peu de chose et n’assista que rarement à cette vente indécente « toujours par complaisance pour Madame la Dauphine[1]. »

Restaient à régler les questions de personnes. Monseigneur étant mort dans la nuit, la pauvre Choin s’était naturellement éclipsée dès l’aube. Elle retourna dans le petit logement qu’elle occupait chez son ami de tout temps, La Croix, receveur général à Paris, « fort honnête homme, dit Saint-Simon, et modeste, pour un publicain qui a de tels accès. » Elle ne demanda rien et ne fit point nommer son nom au Roi, disant même « qu’elle ne souhaitoit que la mort et la miséricorde de Dieu[2]. » Le Roi cependant chargea d’Antin de lui porter l’assurance qu’elle toucherait une pension de 12 000 livres. La Dauphine qui, à tout prendre, avait eu à se louer d’elle, aurait voulu que cette pension fût de 20 000 livres. Elle lui fit faire toutes sortes d’amitiés et alla même, ainsi que le Duc de Bourgogne, jusqu’à lui écrire. Comme nous n’aurons plus l’occasion de prononcer le nom de cette obscure amie de Monseigneur (quelques-uns même la croyaient son épouse), disons qu’elle continua de vivre d’une vie retirée et digne, visitée parfois par quelques-uns des membres de l’ancienne cabale de Meudon, qui se piquèrent de lui demeurer fidèles, et qu’elle mourut, en 1732, dans la dévotion.

Quant à la cabale elle-même, elle se dispersa, n’ayant plus de lieu pour se réunir. Le Roi attacha à la personne du Duc de Bourgogne tous les menins de Monseigneur. D’Antin qui était du nombre, et dont la situation aurait été difficile, à raison de l’hostilité que lui témoignait la Duchesse de Bourgogne, obtint cependant de transmettre sa charge à son fils le marquis de Gondrin. Le Duc de Bourgogne se montra très généreux envers

  1. Additions au Journal de Dangeau, t. XIII, p. 438.
  2. Sourches. t. XIII, p. 96.