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ne lui accordoit pas assez de jours pour pouvoir y parvenir, et s’il lui refusoit la grâce de pouvoir le faire lui-même, il laisseroit des successeurs qui, ayant les mêmes sentimens, parviendroient enfin à mettre les peuples de France dans l’état où il souhaitoit ardemment de les mettre lui-même. » Et, se tournant vers le Duc de Bourgogne qui étoit présent à la réception, il ajouta : « Voilà un prince qui me succédera bientôt, et qui, par sa vertu et sa piété, rendra l’Église encore plus florissante et le royaume plus heureux. » Tous les assistans, évêques et courtisans présens, furent émus de ce langage, et le Duc de Bourgogne « s’en alla dans sa chambre fort attendri et fondant en larmes[1]. » Pour faire plaisir à Messieurs du clergé qui n’avaient pas souvent l’occasion de venir à Versailles, le Roi avait donné ordre qu’on leur fît voir les jardins et les eaux. Mais un orage survint qui les retint au château et les priva de ce divertissement.

Il fallait maintenant rendre à la mémoire de Monseigneur les honneurs qui n’avaient pas été rendus à sa dépouille. Le 18 juin, eut lieu un service solennel à Saint-Denis, auquel assistèrent seulement le Duc de Bourgogne, le Duc de Berry et le Duc d’Orléans. Pour cette cérémonie le Duc de Bourgogne revêtit une robe « faite à peu près comme celle des Présidens, avec un domino dont le capuchon pendoit derrière le col, et le devant qui étoit plissé, faisoit paroître le rabat par-dessous, et il avoit sur la tête un bonnet carré[2]. » Le duc de Beauvilliers portait la queue de son manteau qui avait douze aunes de long. Ce fut l’archevêque de Reims qui officia, et l’évêque d’Angers qui fit l’oraison funèbre. La cérémonie dura quatre heures. Les princes qui étaient partis de Versailles à sept heures du matin n’y rentrèrent qu’à sept heures du soir, accablés par la chaleur, et trouvèrent la Dauphine fort en peine de leur rentrée tardive. Elle avait craint quelque accident. Bien qu’ils fussent exténués de fatigue, ils crurent cependant de leur devoir d’aller rejoindre le Roi à sa promenade pour lui rendre compte de la cérémonie.

Le 3 juillet eut lieu un grand service à Notre-Dame, auquel assistèrent les mêmes princes, le duc de Beauvilliers portant toujours la queue du Duc de Bourgogne. Le Père de La Rue prononça l’oraison funèbre, et Lalouette, maître de musique de Notre-Dame, fit chanter de beaux morceaux. La cérémonie qui

  1. Dangeau, t. XIII, p. 405.
  2. Sourches, t. XIII, p. 135.