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plimens du Nonce, d’un certain nombre d’envoyés des petites cours d’Allemagne et de beaucoup d’ordres religieux. Après son dîner, il reçut successivement le Parlement, la Cour des aides, la Chambre des comptes, la Cour des monnaies, dont les Présidens le haranguèrent ainsi que le Prévôt des marchands, qui parla au nom de la ville de Paris. Il reçut encore le Grand Conseil, l’Université, et l’Académie française, au nom de laquelle son directeur, le marquis de Sainte-Aulaire, porta la parole. Ces différens corps se transportèrent ensuite chez le Duc et la Duchesse de Bourgogne qu’ils haranguèrent pareillement. Le Parlement et le Premier Président ne laissèrent pas d’être mortifiés d’avoir à se rendre chez le Dauphin et la Dauphine, car, depuis Henri II, cela ne s’était point fait. Mais le Roi, pour éviter toute contestation et pour que la harangue fût prête, leur en avait fait donner l’ordre auparavant en prescrivant au Premier Président de traiter le Duc de Bourgogne de Monseigneur. Dans sa harangue le Premier Président ne manqua pas de le dire, « fort poliment, » suivant Dangeau, mais non pas suivant Saint-Simon qui traite l’observation du Premier Président d’insolente bagatelle. Le Duc et la Duchesse de Bourgogne revinrent de Versailles une heure après le Roi, « fort las de tant de harangues, dit Dangeau, bien qu’ils les eussent trouvées fort belles. » La marquise d’Huxelles assure que le Duc de Bourgogne refusa de recevoir la députation des comédiens comme gens inutiles à l’État. « Tout en est, ajoute-t-elle, pieux et dévot[1]. »

Quelques semaines plus tard, le Roi reçut l’Assemblée du clergé, qui délibérait à ce moment sur la contribution à l’impôt récent du dixième denier. Le cardinal de Noailles se présenta à la tête de l’Assemblée. La cérémonie fut solennelle et touchante. À la harangue du cardinal le Roi répondit, au dire de Sourches[2], « qu’il étoit bien fâché d’assembler si souvent le clergé de son royaume, que ce n’étoit nullement son intérêt qui l’y portoit, mais le besoin de l’État qui l’y obligeoit, que son intention avoit toujours été de procurer la paix à ses sujets pour les rendre heureux et que ce l’étoit encore plus que jamais ; qu’il étoit vieux et n’avoit plus que peu de temps à vivre, mais que, si Dieu lui donnoit encore des jours, il travailleroit autant qu’il pourroit pour tâcher de leur procurer cette paix et ce bonheur, et si Dieu

  1. Dangeau, t. XIII, p. 392. Lettre du 24 avril 1711.
  2. Sourches, t. XIII, p. 134.