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de vraiment extraordinaire, quoiqu’on sache de quoi est capable le fanatisme et le désir de le propager. Si quelqu’un a cru y reconnaître quelque chose de surnaturel, il est très excusable. » Voilà le langage de la sagesse ; on est excusable, dit Mercier, et d’après nos Notes historiques, Voltaire serait allé plus loin encore ; il aurait dit qu’il faut absolument choisir et être ou déiste, comme lui, ou secouriste, comme son frère. Peut-être vaut-il mieux n’être ni l’un ni l’autre ; l’idéal est de s’abstenir si l’on n’a pas le loisir d’étudier les choses à fond, et ici le « Que sais-je ? » de Montaigne est tout à fait de mise ; ou bion alors il faut chercher, avec un vif désir de ne rien admettre à la légère.

Voici, pour terminer cette étude et pour aider les chercheurs de bonne foi, un fragment de lettre bien curieux, car il émane de l’un des convulsionnaires les plus fameux, les plus compromis si l’on veut, de celui qui s’appelait dans le monde Olivier Pinault, avocat au Parlement, et qui dans l’« œuvre » était le frère Pierre, un des quatre grands frères, disent les Notes historiques, les trois autres étant M. le comte de Labédoyère (le frère Noël), le frère Etienne (Etienne Lecouteulx, marquis d’Arbois), et enfin le frère Hilaire, autrement dit M. le comte de Tilly, chevalier de Blaru. Il écrivait de Morsan-sur-Orge, le 30 octobre 1758 à M. de Saint-Hilaire, conseiller au Parlement, son intime ami, et après lui avoir parlé gaîment, mais à mots couverts, de personnages différens, il lui annonçait une petite histoire qui certainement lui ferait plaisir ; on jugera s’il avait raison.


… J’ai bien ri de l’histoire de votre Provençal. Les gens de ce pays-là entendent les affaires. Mais je vais vous en conter une qui vous fera pour le moins autant de plaisir. Mardi au soir en rentrant chez moi à Paris, je trouvai écrit sur une carte que M. Dubourg était venu pour me faire part d’une conversation qu’il avait eue avec un magistrat, qui l’avait fait prier de venir lui parler. Je ne sais, Monsieur, si vous connaissez ce M. Dubourg, c’est un des plus sages et des plus célèbres médecins de Paris. Il est ami particulier de M. de Saint-Aubin, notre nouveau converti, et, à sa prière je l’avais admis deux fois au commencement de ce mois à voir nos sœurs. Et vraiment, je me souviens que vous y étiez avec lui le mercredi 4 de ce mois. Je me doutai que le magistrat, dont parlait sa carte, était M. le lieutenant de Police et je ne me trompais pas. La curiosité de savoir ce que c’était que la conversation qu’il avait eue avec ce magistrat me fit aller chez lui le lendemain matin à sept heures. Il me dit que, quelques jours auparavant M. Bertin, lui avait fait dire par M. Ferrein, son voisin et son confrère, qu’il avait appris qu’il avait vu des convulsions ce qu’il désirait de s’entretenir avec lui, non pour lui faire faire