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exerça paisiblement ses fonctions curiales depuis 1729 jusqu’en 1743, année de sa mort, et néanmoins, c’était un des partisans les plus déclarés des convulsions dites « à grands secours, » c’est-à-dire celles qui comportaient les coups de bûche et au besoin le rôtissage.

C’est chez M. de Rochebouët que s’opéra la guérison de Madeleine Durand, de cette jeune fille d’Orléans qui avait un horrible cancer à la bouche, et dont la guérison fut aussi complète que celle de la nièce de Pascal, de la petite Périer.

Le fait ne nous intéresserait pas en lui-même, mais il a été attesté par Arouet le 8 juin 1736, et en 1747, Voltaire aurait pu lire, non sans une certaine stupéfaction, le certificat délivré par son frère ; il est imprimé tout au long à la fin du 3e tome de la Vérité des miracles de M. de Paris, par Carré de Montgeron[1].

Certaines parties de ce certificat, celles qui décrivent dans toute son horreur l’affreuse maladie de Madeleine Durand, sont d’un réalisme tel qu’on n’oserait les transcrire, de peur de donner des nausées aux lecteurs qui ne sont pas médecins ; les autres au contraire ont une saveur particulière, et peut-être ne sera-t-on pas fâché d’avoir sous les yeux un spécimen de cette prose semi-voltairienne. L’auteur des Notes historiques en avait détaché quelques passages, choisis avec beaucoup de tact et de discrétion ; on ne peut que reproduire ce qu’il avait cru devoir conserver :

« Je, soussigné, Armand Arouet, Receveur des épices de la Chambre des comptes, déclare qu’ayant été témoin d’une partie des merveilles qu’il a plu à Dieu d’opérer sur la personne de Madeleine Durand, je crois devoir rendre hommage à la vérité en donnant un témoignage de ce que j’ai vu vers la fin du mois de mai 1733. On me raconta des choses étonnantes des convulsions de cette petite fille, qui avait alors environ douze ans. Me défiant presque également de ceux qui croient avec trop de facilité et de ceux qui, déterminés à ne rien croire, s’obstinent à nier les faits sans vouloir se donner la peine d’approfondir, je

  1. Le volume a 882 pages in-4o ; le témoignage d’Arouet est invoqué p. 597 et 608 ; le certificat délivré par lui est la XVe des pièces justificatives, p. 9. Voltaire, dans le Siècle de Louis XIV, parle avec mépris d’un « conseiller du Parlement, nommé Carré et surnommé Montgeron » qui eut « la démence de présenter au roi, en 1736, un recueil de tous ces prodiges. » A ses yeux, Montgeron est « un insensé, organe et victime d’insensés. » Ch. XXXVII. — Montgeron était en correspondance suivie avec le frère de Voltaire.