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de Bentham ! Quoi de plus agaçant que de ne pas distinguer sûrement l’anglais du genevois, je veux dire les exemples tirés des « règlemens observés dans la Chambre des communes, » d’avec le « règlement pour le Conseil représentatif de la ville et république de Genève ? » Sans doute, aux appendices, les documens sont séparés, mais, dans le texte, les enseignemens ou les renseignemens se confondent. De toute façon, nous pouvons du moins connaître, par Dumont, combien, sur ce point spécial des pouvoirs et des qualités du président, l’opinion de Bentham diffère de celle de Sieyès.


Comme aucune province, déclare Sieyès[1], n’a le droit d’en dominer une autre, il seroit ridicule que l’une d’elles y prétendît le privilège de donner un président aux États-Généraux. On a généralement en France des préjugés singuliers sur l’importance d’un président d’assemblée. On le regarde comme étant à la tête de la besogne, comme fait pour la diriger. Une erreur aussi dangereuse vient de ce que le ministre a eu intérêt que toutes les assemblées du Royaume ne délibérassent que sous son autorité…

On conçoit qu’avec de pareilles idées, le gouvernement a dû regarder les présidens de ces différens corps comme des mandataires faits pour lui répondre de tout ce qui s’y passe. Bientôt tous les présidens d’assemblée ont été à sa nomination, directement ou indirectement. Ils sont devenus ses correspondans naturels. Leur influence, leur autorité se sont accrues par mille moyens. Ils ont mis la main à tout ; ils ont proposé, dirigé, gouverné. Les affaires publiques ont été leur affaire particulière, convenue d’avance avec le ministre dont ils se sont fait honneur d’être les familiers.

Il faut croire que les États-Généraux de la Nation n’adopteront point un semblable système. Le président ou les présidens, qu’ils éliront librement, ainsi que tous les autres officiers intérieurs, parmi les membres seulement de l’Assemblée, ne sortiront pas plus que les autres officiers des fonctions qui leur seront attribuées. Celles du Président consistent à recueillir les voix, suivant des formes prescrites, à prendre la parole au nom de l’assemblée dans les occasions ordinaires, et toutes les fois que, pour une députation, par exemple, ou dans une affaire importante, il n’auroit pas été nommé un orateur ad hoc. Le Président enfin a le soin d’expliquer l’état de la question à ceux qui paroîtroient ne l’avoir pas entendue. S’il va au-delà ; si vous permettez que votre Président, ou tout autre membre, se fasse plus ou moins clairement l’interprète d’un pouvoir étranger, vous donne à entendre qu’il sait, à de certains égards, ce que l’Assemblée ignore, ou devienne porteur de promesse de la part du ministre ; si vous souffrez que, de quelque manière que ce soit, ou tente d’influencer le débat, comme disent les Anglais, il s’introduira parmi vous des abus de la plus dangereuse conséquence.

Vous ne devez pas souffrir non plus)que votre Président nomme les

  1. Vues sur les moyens d’exécution, p. 81 et suivantes.