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L’auteur anglais nous conduit à l’asile de Medland Hall, où l’on recueille, toutes les nuits, trois cent cinquante de ces pauvres gens. Ceux-ci n’y sont admis qu’avec des « bons, » qui leur donnent droit à y coucher pendant sept nuits consécutives ; et personne ne peut obtenir plus de deux bons par an. Dès le commencement de l’après-midi, les rues dont Medland Hall forme le coin se remplissent de longues rangées de postulans, sous la surveillance d’agens de police : car le nombre des couchettes disponibles ne dépasse pas une centaine, et le nombre des postulans dépasse parfois un millier. Et toute cette foule attend, sous la pluie ; presque personne ne parle, les longues heures s’écoulent dans un silence de mort. « Deux ou trois hommes portent la marque d’une bonne éducation ; plusieurs sont proprement vêtus, en gentlemen, avec un faux-col et une cravate. » Les privilégiés qui parviennent à entrer obtiennent, en plus de l’abri pour une semaine, une demi-livre de pain et un verre de bière. Mais ensuite, quand la semaine est finie, force leur est de reprendre leur station sous les ponts, à moins qu’ils ne soient assez habiles pour se déguiser, et pour se faire admettre de nouveau sans être reconnus. Et à Medland Hall comme aux Refuges de l’Armée du Salut, comme dans tous ces asiles charitables, toutes les précautions sont impuissantes contre le génie inventif des fraudeurs, au grand détriment des pauvres plus honnêtes ou moins avisés. Et ces asiles ont beau se multiplier : la misère s’accroît plus vite encore, la population nocturne des trottoirs de la Cité devient toujours plus fournie, et plus menaçante.

La source principale de réconfort matériel et moral, pour les indigens de Londres, ce sont les diverses « missions, » catholiques, anglicanes, méthodistes, qui, avec un beau zèle chrétien, sont venues s’installer parmi eux, et travaillent à les servir en toute façon. Autant M. Cope Cornford croit peu à l’efficacité des grandes institutions charitables, publiques ou privées, — je veux dire à la possibilité pour elles d’atteindre la classe particulière de pauvres qu’elles ont surtout en vue de secourir, — autant nous sentons qu’il approuve et admire l’œuvre plus modeste, mais plus continue et d’une portée infiniment plus directe, accomplie chaque jour par ces « missionnaires. » Ceux-là seuls, vivant dans l’intimité des ouvriers sans travail, se rendent compte, à la fois, de leur mérite et de leurs besoins ; ceux-là seuls savent approprier le remède à la nature du mal. « L’ouvrier d’Old Gravel Lane a de sûrs et fidèles amis : les Pères de la Mission de Saint-Georges. Voyez ce groupe navrant de femmes, en châles rapiécés, qui se pressent sur les marches de l’entrée de la Mission : voyez comme