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dès ce moment, donné pour tâche d’amoindrir l’influence européenne ou nord-américaine au Venezuela. Le dictateur poursuit un travail de réorganisation et de centralisation ; comme il concentre entre ses mains tous les pouvoirs de l’État, il lui paraîtrait commode d’y faire affluer aussi tous les revenus, et il compte y réussir en organisant des monopoles et une banque d’État. L’État deviendrait ainsi, entre les mains du Président, une ferme dont il serait l’unique exploitant ; mais, pour réaliser ces mesures que ses amis appellent des réformes, il lui faut de l’argent, beaucoup d’argent, et ce n’est qu’en Europe ou aux États-Unis qu’il peut espérer, à des conditions très onéreuses, se procurer les ressources qui lui manquent.

En même temps que les relations diplomatiques étaient renouées entre la France et le Venezuela, les contestations et les difficultés recommençaient. Dès novembre 1903, le Président engageait contre la Compagnie des câbles une double procédure tendant à la rescision du contrat conclu en 1895 et modifié en 1900 en vertu d’une transaction signée par lui-même ; il accusait la Compagnie, d’une part, de n’avoir pas rempli les obligations stipulées par son cahier des charges et, d’autre part, d’avoir favorisé, pendant l’insurrection de 1902, le général Matos et ses partisans contre le gouvernement légal. Au point de vue technique, les principaux griefs de Castro contre la Compagnie sont d’abord d’avoir établi la communication avec les États-Unis en utilisant une ligne aérienne à travers la République Dominicaine, où la fréquence des révolutions et le goût des bons nègres pour les clôtures en fil de fer amènent des interruptions du service ; il allègue en outre que la Compagnie n’a pas constitué le réseau côtier conformément à ses engagemens. La Compagnie, pour sa défense, excipe de son contrat qui ne l’oblige qu’à établir une communication « directe ou indirecte » avec les États-Unis et qui ne stipule pas que la communication doive se faire uniquement par câbles sous-marins ; elle conteste, en tout cas, que l’on puisse trouver, dans les faits allégués, un motif suffisant pour annuler un contrat qui a été reconnu valable et loyalement exécuté, par le fait seul qu’il a donné lieu, en 1900, à une transaction. Les procès de ce genre, mi-techniques et mi-politiques, intentés sans bonne foi, jugés sans indépendance, sont d’ailleurs un procédé familier au gouvernement du président Castro. Il serait édifiant à cet égard de rappeler la manière dont il essaye de