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en 1895, lui suscita une série de difficultés pratiques dont elle ne vint à bout qu’en négociant une transaction signée le 3 juillet 1900 et approuvée par l’Assemblée nationale le 6 mars 1901. La Compagnie s’engageait, par ce contrat, à établir la communication télégraphique entre la Guayra et l’Amérique du Nord par Curaçao et Saint-Domingue et à poser un câble côtier pour relier entre eux les principaux ports de la côte, de Campano à Maracaïbo. Nous aurons à raconter toutes les contestations survenues à propos de l’exécution du cahier des charges ; elles ont été la cause originelle de la rupture diplomatique actuelle.


III

Dans un pays neuf, plus riche en ressources naturelles qu’en capitaux mobilisables, les bonnes affaires ne manquent pas, mais l’instabilité du gouvernement et la fréquence des guerres civiles rendent toutes les affaires aléatoires et augmentent les risques à courir ; la guerre finie, les réclamations, les demandes d’indemnité tombent comme grêle sur le chef victorieux ; quelques-unes sont parfaitement légitimes ; mais beaucoup d’autres sont ou sans aucun fondement ou scandaleusement majorées : la révolution est une occasion de spéculer, un moyen de remettre à flot une maison qui périclite. Il est d’ailleurs de tradition qu’il faut demander beaucoup pour obtenir peu, et les légations n’acceptent de soutenir les griefs de leurs nationaux que sous bénéfice d’inventaire. De toutes les grosses affaires qui se sont fondées au Venezuela depuis bien des années, on n’en citerait peut-être pas une qui n’ait donné lieu à des contestations et à de longs procès. Le principe d’une indemnité une fois admis, la somme une fois fixée, reste la question du paiement, nouvelle source de plaintes pour les particuliers, nouvelle occasion de conflits entre les gouvernemens. Que l’on ne s’étonne pas cependant, que les affaires vénézuéliennes tentent les capitaux européens et nord-américains, car, dans un tel pays, les gros intérêts, les taux usuraires, les primes énormes, les fabuleux courtages, sont excusés, presque justifiés ; ne faut-il pas compenser les risques, et se prémunir contre les subits retours de la fortune ? n’est-ce pas, comme on dit, « en eau trouble » que le pêcheur adroit jette les plus beaux, coups de filet ? Ce sont ces