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plantureux domaine ; il le livre, comme terre conquise, à l’avidité d’une bande de condottieri ; il le ballotte de scandale en scandale et d’aventure en aventure ; il réduit ses adversaires à choisir entre le silence et la prison ; il fait du bruit comme quatre et se remue comme dix, mais il ne paraît pas que ce soit à l’avantage de ses sujets. Ces agitations, à vrai dire, nous laisseraient assez indifférens : la sagesse politique des Européens, la nôtre en particulier, n’est pas assez indiscutée pour que nous nous sentions le droit d’excommunier la République vénézuélienne au nom d’un credo politique, et le président Castro au nom d’une orthodoxie libérale ; mais la France a des intérêts considérables au Venezuela et ces intérêts sont lésés par les fantaisies du dictateur ; il traite les diplomates de turc à more et moleste les négocians, il supprime toute espèce de garantie pour nos nationaux ; c’est lui qui nous oblige à nous occuper de lui beaucoup plus que nous ne le souhaiterions.


II

Le Venezuela est, pour nos compatriotes, une terre d’émigration et d’activité. Sur 2 500 000 habitans qui peuplent son territoire, on compte plus de 2 500 Français, soit un pour mille ; mais bien plus nombreux sont les descendans de Français définitivement fixés dans leur patrie d’adoption. Entre les deux pays, les relations, les échanges sont depuis longtemps actifs ; ce n’est pas vers l’Espagne, mais bien plutôt vers la France que regarde le Vénézuélien cultivé. Paris est sa capitale intellectuelle, c’est elle qui l’attire. Un Vénézuélien de Caracas, Miranda, commandait une des divisions de Dumouriez le jour de Valmy ; nombre de Français combattaient aux côtés de Bolivar dans la lutte pour l’indépendance. Depuis lors, nos émigrans et nos capitaux ont singulièrement contribué à l’essor économique du pays ; nos compatriotes ont été, là-bas, des initiateurs ; dès la fin du XVIIIe siècle, l’un d’eux, Blandin, apportait des Antilles les premiers plants de caféier ; en 1823 s’ouvrait à Caracas la première chapellerie française, en 1825 la première boulangerie ; en 1848 nos compatriotes étaient les étrangers les plus nombreux ; ils sont dépassés aujourd’hui par les Italiens et les Anglais, mais ils gardent une très forte influence par leur situation sociale et leurs capitaux ; ils sont, avec les, Vénézuéliens., les plus gros