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exercés ni très pénétrans, — combien il y avait plus de « réalité » dans le roman de Balzac que dans le théâtre de Scribe, on avait vu moins clairement ce qu’il y a de différence entre les Parens Pauvres et, par exemple, les Mémoires du Diable ou les Mystères de Paris. On l’avait d’autant moins vu que ni Soulié, ni Eugène Sue ne sont en vérité des romanciers méprisables, et que, les Parens Pauvres ayant paru en feuilletons, comme les romans de Sue et de Soulié, on en avait conclu, très superficiellement, qu’ils relevaient, comme eux, du genre du « roman feuilleton, » — lequel, à cette époque, n’était pas tout à fait déclassé. Je ne nierai pas au surplus que Balzac ait lui-même favorisé la confusion, en mêlant, pour les abonnés de la Presse ou du Constitutionnel, plus d’élémens de « mélodrame » qu’il n’était nécessaire, au récit du Cousin Pons et de la Cousine Bette. C’est un personnage, non pas même de Sue, mais de Dumas, que le baron Montés de Montejanos, dans ce dernier roman ; et a-t-on remarqué que, pour en dénouer l’intrigue, Balzac n’avait pas eu besoin de moins de six ou sept cadavres ?


III

C’est pourquoi, tandis que le théâtre se libérait assez promptement de l’influence de Scribe et de Dumas, pour se soumettre à celle de Balzac, on ne peut pas absolument dire que le roman y résistât, mais il en subissait d’autres, et plus particulièrement, entre 1850 et 1860, celle de George Sand. Les romans de Jules Sandeau, Mademoiselle de la Seiglière ou Sacs et Parchemins, — qui sont d’ailleurs un peu antérieurs à cette date, — et les premiers romans d’Octave Feuillet, tels que le Roman d’un jeune homme pauvre ou Bellah, suffisent à en porter témoignage. Non pas que, dans Bellah même, et dans Sacs et Parchemins, d’où la collaboration d’Augier devait tirer le Gendre de M. Poirier, on ne puisse reconnaître à plus d’un trait l’influence de Balzac ! Mais ni les tendances de Sandeau, ni surtout celles de Feuillet n’allaient à l’imitation de la réalité. Romanesques l’un et l’autre, ils étaient idéalistes à la manière de George Sand. La « représentation de la vie » se subordonnait pour eux à des considérations d’un autre ordre. Et, pour ne rien dire de plus de ce stérile Sandeau, — dont la Maison de Penarvan, en 1857, allait être presque la dernière œuvre, — c’était bien dans la