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ses membres utiles furent pauvres. Le budget des curés à portion congrue, qui desservaient les paroisses, et des moines qui priaient ou travaillaient dans les cloîtres, n’était peut-être pas supérieur, sous Louis XV, au total de ce qu’il était sous la présente République, en 1900, avant les confiscations et les suppressions récentes.

Sur les 600 millions de revenu que produisaient à peu près les biens ecclésiastiques, au XVIIIe siècle, dont 150 millions provenant des dîmes et 450 millions des immeubles affermés et des redevances, les trois quarts formaient un véritable fonds d’État, un chapitre additionnel et complémentaire des pensions royales. Le libre usage qu’en faisait le gouvernement ne comportait qu’une restriction : il n’en pouvait gratifier que des célibataires ; parce que, si les « abbés » commendataires n’étaient pas nécessairement revêtus du caractère sacerdotal, ils devaient être au moins engagés dans la cléricature. Et, quoique les ordres mineurs ne fissent pas obstacle au mariage, en droit, il n’était pas admis, en fait, qu’un titulaire de bénéfices fût marié.

Si le bénéfice avait « charge d’âmes, » — cure ou évêché, — un prêtre seul en devait être investi ; mais, une fois promu, le nouveau prélat ne s’astreint guère à résider dans son diocèse et, une fois pourvu, le nouveau curé se borne à percevoir les dîmes et se fait remplacer par un « vicaire perpétuel. » A moins que la paroisse ne fût de celles qui rapportaient à leur pasteur juste de quoi ne pas mourir de faim. Celles-là seules avaient des « curés » en titre. Le gouvernement, outre la latitude dont il jouissait et qui équivalait en somme à laïciser les biens d’église, prônait la liberté de grever la rente des évêques et des abbés ostensibles de pensionnaires inapparens, auxquels étaient attribuées des parts d’importance variable. De sorte que, sur un évêché que l’on eût cru rapporter 50 000 francs, il n’en restait souvent que 10 000 ou 15 000 au titulaire.

Par une autre combinaison, nombre de gens haut placés et en faveur jouissaient du temporel des bénéfices par « confidence. » Ils les faisaient mettre sous le nom d’un homme de paille, d’un « custodi nos » ecclésiastique, appointé par eux d’une commission et qui encaissait pour leur compte comme un honnête régisseur. La place de « custodi nos » de M. le comte de Soissons, détenteur de plus de 520 000 francs de rentes d’église, était tenue par un prieur aux gages de 15 000 francs par an. La