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Néanmoins, la prépondérance de l’énergie physique et la légitimité du courage, appliqué dans les relations privées, belle matière à thèse pour les philosophes des époques tranquilles, parut, à l’user, un organisme pénible aux contemporains de la guerre de Cent Ans ou des guerres religieuses. Aux « surhommes » des donjons, difficiles à contenir et faits pour une humanité à, coups de poing, les hommes du « plat pays, » de métier ou de charrue, d’église, de prétoire ou de boutique, préférèrent un seigneur unique et omnipotent. Dussent leurs chères franchises en souffrir, il n’y aura plus d’autre épée que la sienne. Mais il y aura des compensations : ce monarque, qui devient l’ « État, » a pris et va prendre beaucoup. Il pourra ainsi beaucoup donner et l’on pourra gagner sur lui davantage.

Au premier rang, parmi ses largesses, sont les bénéfices ecclésiastiques. Officiellement, on date de la révolution de 1789 la confiscation des biens du clergé : pour la plus grande part d’entre eux, la spoliation est bien antérieure. Elle remonte à François 1er et eut pour instrument le Concordat passé par ce prince avec Léon X. Les deux pouvoirs, spirituel et temporel, s’y donnèrent mutuellement ce que ni l’un ni l’autre ne possédaient. Grande habileté ! puisque, ne prenant rien, ni l’un ni l’autre n’était suspect de rien dérober. Au contraire tous deux se montraient généreux puisqu’ils donnaient quelque chose.

Par ces deux expropriations, l’une sur l’autre appuyées, les deux parties contractantes se servaient de garantes dans cette entreprise sur les bénéfices et les dignités de l’église de France. Comme on est censé ne pouvoir aliéner que ce qui vous appartient, ils créaient, implicitement, leur droit en y renonçant. Contre les prétentions fiscales de la cour de Rome, l’Église d’ordinaire en appelait au Roi ; elle en appelait au Pape contre les usurpations de son revenu par l’autorité civile. Mais contre le Concordat de 1516, où le Pape donnait au Roi le droit de nomination aux évêchés et aux abbayes, en même temps que le Roi donnait au Pape le revenu d’une année — l’ « annate » — de ces biens séculiers ou réguliers à chaque changement de titulaire ; contre ce marché dont il était l’objet, le clergé français, pris entre deux feux, n’avait aucune chance de voir aboutir ses protestations. Depuis cet acte diplomatique, par lequel furent abolies les antiques élections capitulaires, il advint que « l’Église, » être de raison, continua de passer pour riche, mais qu’en fait