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langueyeurs de porcs, etc. Par milliers, il existait des offices de 6 à 8 000 francs, comme ceux des grenetiers de gabelles, conseillers de greniers à sel, maîtres des eaux et forêts, greffiers, huissiers, commissaires des tailles, etc.

Bien des grands personnages, au début, avaient acheté ces offices en bloc dans un intérêt de spéculation, pour les revendre ; ou bien le Roi leur en avait fait don à titre de gratification : le maréchal de Toiras possède ainsi les offices de courtier de vin de la Rochelle ; le comte de Tresmes a les greffes de Bourges ; un autre a 900 charges de « prud’hommes visiteurs des cuirs, » qu’il se plaint de ne pouvoir écouler à cause des rébellions de la communauté des tanneurs.

Quant aux charges de haute judicature, à celles de l’armée ou de la Cour, elles constituaient une bonne part des fortunes de la bourgeoisie possessionnée et de la noblesse titrée. L’on n’a pas de peine à s’en convaincre par le prix qu’il fallait mettre à les acquérir. Pour devenir lieutenant général de bailliage, — président du tribunal, — il n’en coûte que 25 000 francs à Verdun, 40 000 francs à Metz. Pour 11 000 francs à Bourg, 17 000 francs en Provence, 21 000 francs à Tulle, 26 000 à Nîmes, on est investi d’une charge de conseiller au présidial, un peu supérieur à nos juges d’arrondissement, comme juridiction, très inférieur comme importance personnelle ; parce que chaque présidial de département avait autant de juges qu’une cour d’appel d’aujourd’hui. Moyennant un capital d’environ 40 000 francs, on se procurait, sous Louis XV, les offices de lieutenant criminel, capitaine du guet, lieutenant de maréchaussée dans nos chefs-lieux actuels.

C’étaient là les postes de la classe moyenne. La bourgeoisie aisée commençait aux « trésoriers de France, » qui se partageaient, au nombre de 10 à 15 par généralité, des attributions mi-partie administratives et financières, et dont les places valaient de 75 000 à 100 000 francs. Pour les mêmes prix, on se procurait une de ces charges de « secrétaires du Roi, maison et couronne de France, » sinécure honorable et illusoire, qualifiée de « savonnette à villain, » parce qu’elle anoblissait et ne correspondait à aucune besogne définie.

L’accès aux cours souveraines coûtait davantage. D’après les redits qui leur attribuent une valeur minimum, pour servir de base à la perception du droit de transmission, une charge de