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peu d’importance : la fonction de trésorier de l’Épargne, — caissier payeur central du Trésor, — malgré la modicité du traitement de 15 000 francs qui lui était attaché, se négocia 3 millions de francs en 1618 et 8 millions en 1655. Celle de receveur des consignations au Parlement atteignit au même prix en 1640.

Après Colbert, lorsque l’ « argent du Roi, » mieux surveillé, ne fut plus « sujet à la pince » que dans des limites restreintes, les chiffres inouïs, précédemment offerts pour ces places où l’on maniait de grands fonds et où l’on pêchait en eau trouble, tombèrent singulièrement. Dans son ensemble, la valeur des charges augmenta parce qu’on en créa moins ; celles surtout qui correspondaient à une dignité éminente dans la robe, qui donnaient aux gentilshommes accès et rang à la Cour, aux bourgeois considération et honneur dans la province, arrivèrent vite à se capitaliser très haut. Tel office, comme celui de conseiller-maître à la Chambre des comptes de Rennes, qui valait 75 000 francs en 1630, en valut 166 000 en 1690. A la fin de la monarchie, les charges réunies de la Chambre des comptes de Paris représentaient une somme de 70 millions de francs ; celles du Parlement pouvaient être estimées au double.

A combien montaient en 1789 les offices vénaux de toute la France ? Il serait difficile de le dire exactement, même si l’on additionnait, année par année, le produit des émissions faites par l’Etat ; puisque le cours auquel ces charges se négocièrent par la suite fut très supérieur à leur prix originaire. Si l’on songe que le Trésor avait encaissé, de ce chef, plus de deux milliards, rien que pendant les dix-huit ans du ministère de Richelieu, on doit croire qu’en les évaluant à 8 milliards, à l’époque de leur suppression par l’Assemblée constituante, on ne serait pas au-dessus de la vérité. Cette suppression, sans indemnité, fut la part de la bourgeoisie, moyenne et petite, dans les sacrifices imposés par la Révolution.

Il y avait naturellement beaucoup plus de médiocres offices que de grands. Il y en avait de 500 francs, de 1 000 francs de capital ; il y en avait des centaines de milliers de 2 000 et 3 000 francs, tels que ceux des sergens et tabellions ruraux, procureurs de sénéchaussée, messagers royaux, contrôleurs de beurre salé, jaugeurs de vin, mouleurs de bois, auneurs de toile, jurés-maçons, clercs de l’écritoire, vendeurs de marée,