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épithètes d’« ancien, alternatif et triennal, » appliquées ici au percepteur des fonds communaux, sembleront bizarres à qui ne connaît pas l’organisation de l’époque. Louis XII, le premier, avait eu l’idée, pour se procurer des ressources, de vendre plusieurs offices de cour sans importance. François Ier et Henri II étendirent la vénalité aux charges de judicature et de finance, jusqu’alors électives ou données à vie par la couronne. Quand on eut vendu les anciennes charges on en créa de nouvelles. Henri III, qui parlait déjà de « réduire le nombre effréné » des emplois, fit néanmoins enregistrer vingt-six édits de créations multiples. Le branle donné, on ne s’arrêta plus. Cependant l’esprit ancien était si hostile à la vente des fonctions publiques que, jusqu’à la fin du XVIe siècle, on continua de faire jurer aux nouveaux pourvus, suivant la vieille formule, « qu’ils n’avaient rien promis, donné ni payé directement ou indirectement pour leurs offices. » On supprima enfin ce serment, « sentant qu’il n’était pas convenable de faire entrer les officiers dans leurs charges par un parjure. » De viagère qu’elle était au début, cette propriété devint héréditaire sous Henri IV. L’Etat vendit aux intéressés la perpétuité moyennant le paiement d’un « droit annuel » de 1,66 pour 100, — le « soixantième denier, » — du prix de leur office.

Par une création miraculeuse et incessante, la royauté faisait surgir et appelait à l’existence, aujourd’hui 27 notaires au Châtelet, 500 nouveaux trésoriers de France, 3 « maîtres de chaque pont à Paris ; » demain 1 200 tabellions royaux en Dauphiné et 50 000 commissaires des tailles. Tantôt on doublait, on triplait, le nombre des anciens emplois, « pour soulager » les officiers existant qui « ont sans doute besoin près deux » de nouveaux collègues. Tantôt on déclarait que certains fonctionnaires « sont fort peu diligens à s’acquitter de leur devoir, mais au contraire y font naître tant de difficultés et de retardement, » que Sa Majesté, tout en les conservant dans leurs postes, croit devoir en créer de nouveaux pour les suppléer et les surveiller.

« Le nombre des procureurs postulans, — avoués, — dit un autre édit, est devenu si excessif, qu’ils ne peuvent plus gagner leur vie en faisant leurs charges avec honneur et conscience, et sont contraints de rechercher divers artifices et subtilités pour multiplier et tirer en longueur les procès… » Sans doute le souverain va les réduire ; nullement, mais il les crée de nouveau