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disparu et sept acquisitions récentes ne compensent pas les pertes.

En 1679 au contraire, quoique le nombre des fiefs anciens soit tombé de 16 à 6, il en est advenu par héritages, mariages ou achats, 6 nouveaux qui ont triplé le revenu foncier. De ces 12 domaines, 6 étaient sortis en 1788, pour une cause quelconque, du patrimoine des La Trémoïlle ; d’autres y étaient entrés, mais de moindre valeur, puisqu’en l’espace de ces cent années le revenu foncier du duc avait baissé de moitié. Sur dix terres dont il jouissait, à la veille de la Révolution, une seule, celle dont il portait le nom, lui avait été transmise par ses aïeux depuis 1395 ; deux leur appartenaient depuis 1493 — Thouars et Talmont ; — trois remontaient seulement à 1679 — Laval, Montfort et Vitré ; — la propriété des quatre autres n’était pas antérieure au XVIIIe siècle.

Cette autopsie d’une fortune qui présente l’aspect de la stabilité montre combien les hasards inhérens à la destinée, à la capacité, au caractère propre des individus, ont joué, dans les variations de la richesse foncière, un rôle plus grand que les fluctuations immobilières considérées en elles-mêmes. Aussi bien ne faisons-nous pas ici l’histoire des « richesses, » mais celle des « riches. »

Ce serait au reste grande erreur de croire que la terre ait été le seul, ou même le principal élément de revenu aux siècles passés. D’abord la pauvreté des cultivateurs avait suscité, pour les besoins de l’exploitation, des valeurs mobilières aujourd’hui inconnues : la location des bestiaux, par exemple, qui datait du moyen âge. C’est un placement très répandu, dès le XIVe siècle, parmi toutes les classes de la société. Des juifs et des évêques, comme de simples bourgeois, « plaçaient » du bétail comme nous plaçons du numéraire. De nos jours, les animaux qui garnissent l’étable ou la bergerie appartiennent, soit au fermier, soit au propriétaire de la ferme à titre de cheptel fourni par lui. Autrefois ce cheptel était souvent la possession de plusieurs personnes étrangères, qui avaient prêté moyennant un intérêt annuel, celle-ci des bêtes à cornes, l’autre un lot de moutons ou des chevaux et louaient ainsi des centaines de têtes en diverses métairies.

Ils les louaient cher. Un laboureur de vignes, en Seine-et-Oise (1 600), prend à bail, d’un receveur de la Cour des aides à Paris, « une vache sous poil brun » moyennant un loyer annuel de