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moins sa première partie, avec une satisfaction sans mélange. Le Pape est de notre avis, disent-ils déjà. Mais quelles seront les instructions pratiques qu’il donnera plus tard ? Ici, eux et nous restons dans l’incertitude. Seulement, la véhémence du langage dont il s’est servi contre la loi permet aux plus intransigeans de supposer et de prétendre qu’il sera encore demain, qu’il sera toujours avec eux. S’il l’est, nous le verrons bien et nous en serons désolés : mais nous aurions préféré le savoir tout de suite. Pourquoi, après avoir attendu deux mois, le Saint-Père n’a-t-il pas attendu trois semaines encore ? Il aurait pu alors, fixé qu’il aurait été sur les intentions du gouvernement, exprimer sa pensée tout entière, avec les atténuations, les correctifs et les contrepoids qu’il devra nécessairement y apporter s’il conclut, sinon dans le sens de l’acceptation, au moins dans celui de l’expérience matérielle de la loi.

Il y a, par exemple, dans l’Encyclique un passage dont tout le monde a été frappé : c’est celui qui se rapporte aux associations cultuelles. Après l’avoir lu, il est difficile d’admettre, en bonne logique, que le Pape en autorisera la formation. Il les condamne sans ménagemens. Beaucoup de catholiques en ont déjà conclu qu’il n’y aura pas lieu de former des associations cultuelles : et advienne que pourra ! Sans prendre contre la loi une attitude de révolte que le Pape ne leur conseillera probablement jamais, les catholiques sont parfaitement libres de ne pas faire des associations cultuelles. Personne ne peut les y contraindre ; mais quelles seront les suites de leur abstention ? Elles sont prévues par la loi. Les fabriques n’ayant pas d’héritier légal en dehors des associations cultuelles, leurs biens feront retour à l’État, qui les affectera à des œuvres de charité. Dès lors, ce sera fini de ces biens : on ne les reverra plus. Avec la meilleure volonté du monde, si elle existe plus tard, il sera impossible de les reprendre à ceux qui les auront recueillis et affectés à des œuvres incontestablement dignes d’intérêt. Peut-être n’en sera-t-il pas tout à fait de même des monumens du culte, c’est-à-dire des églises. Elles resteront aux communes qui ne les démoliront pas, ou ne les laisseront pas tomber en ruine du jour au lendemain. Elles pourront sans doute les louer à des catholiques pour y faire dire la messe, aussi bien qu’à des fermiers pour y engranger du foin, ou à des entrepreneurs de plaisirs publics pour y donner des fêtes. En tout cas, on les retrouvera plus tard. Mais les catholiques devront payer, peut-être très cher, l’usage de bâtimens qu’on leur offre pour rien. Voudront-ils s’exposer à tout cela en ne formant pas des associations cultuelles ?