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libéraux n’ont pu en savoir au Président qu’un gré tout platonique. Son septennat a été marqué par une redoutable accélération du mouvement révolutionnaire qui nous emporte, et il nous a finalement légué, comme une inépuisable source de discordes, la rupture de nos relations avec le Saint-Siège et la séparation de l’Église et de l’État M. Loubet n’a certainement voulu rien de tout cela ; il l’a subi comme nous, sans avoir même la consolation qui nous restait de pouvoir dire ce que nous en pensions. En cherchant bien dans la Constitution, peut-être en aurait-il cependant trouvé le moyen et le droit : il s’est abstenu de le faire. S’il avait essayé de résister, probablement il aurait été brisé, et nous aurions été privés de l’intéressant spectacle de la transmission régulière des pouvoirs ; mais un avertissement et une secousse utiles auraient été donnés aux esprits. Quoi qu’il en soit des critiques et des réserves qu’on peut faire, M. Loubet, nous le répétons, s’est concilié beaucoup de sympathies par le caractère de simplicité et de dignité qu’a eu sa magistrature. Il était entouré au dedans, et encore plus au dehors, de beaucoup de déférence et de respect. Ce n’est un secret pour personne qu’il s’est attaché avec un intérêt particulier aux développemens de notre politique extérieure : il y a trouvé longtemps des satisfactions qui n’ont pas été exemptes, à la fin, de certaines inquiétudes. Mais il inspirait au corps diplomatique une confiance et une estime dont celui-ci a tenu à lui apporter, avant qu’il quittât l’Elysée, l’expression reconnaissante. Il a toujours voulu la paix avec les conditions qui seules peuvent la rendre solide et durable, c’est-à-dire avec les ménagemens que nous devons aux intérêts des autres, et avec ceux qu’ils doivent eux-mêmes à nos propres intérêts et à notre dignité.

Quant à M. Fallières, les luttes qui se sont produites autour de sa candidature sont encore trop récentes pour être complètement oubliées ; mais on en chercherait en vain la trace dans son attitude et dans son langage. Il semble comprendre sa fonction comme elle doit être comprise. Le Président de la République est l’homme de la loi, et la loi est la même pour tous. Elle ne l’a pas toujours été dans la pratique, tant s’en faut ! Nous avons vu plus d’une fois la loi peser très lourdement sur les uns et très légèrement sur les autres. Nous l’avons vue pleine de faveurs pour ceux-ci et de défaveurs pour ceux-là. Il serait temps de changer ces mœurs détestables. Aussi a-t-on lu avec plaisir, dans le message que M. Fallières a adressé aux Chambres, le passage suivant : « Pour faciliter ma tâche, je fais appel au concours de tous les républicains, n’oubliant pas d’ailleurs que, si