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Les frais parfums s’amoncelaient sur moi,
Tout me disait : « Tu vois, la vie est calme,
Sois comme l’eau, comme le puits étroit,
Comme le lis qui luit, comme la palme… »

Mais rien ne peut nous consoler, les nuits
Où le cœur veut tout ce qu’il imagine.
Vous m’avez fait bien des divins ennuis,
Petit jardin avec des mandarines…


LA MAISON DE SYLVIE A CHANTILLY


Après la longue allée où l’Été vert s’élance,
Voici, frappés des flots du rêve et du silence,
La maison, la terrasse et les étangs voisins…
— O Sylvie aux yeux noirs, Félice des Ursins,
C’est ici que sur l’herbe ou dans la salle ronde
Vous avez vu passer aussi les jours du monde !
C’est ici que, songeuse ou triste comme nous,
Vous laissiez s’alanguir vos mains sur vos genoux ;
C’est ici que parfois sensible et pathétique
Pour un peu de parfum, de vent ou de musique,
Vous éprouviez ce mal, ce bien, ce chaud, ce froid,
Ce besoin d’échapper à votre corps étroit,
Qu’ont sur toute la terre, au soir, les jeunes femmes…
L’air charmant fut sur vous comme il est sur nos âmes.
Vous eûtes quelquefois, dans ces chemins dolens,
L’ennui divin des jours trop chauds, des soirs trop lents,
Vous alliez, vous veniez, vous repoussiez la porte.
Vous êtes comme moi, quoique vous soyez morte ;
Si vous vouliez venir je vous reconnaîtrais.
Venez, je vous tendrais les bras, je vous dirais,
Rassurant de ma voix vos surprises extrêmes,
Des mots par qui les cœurs, en tout temps, sont les mêmes ;
Je parlerais du soir, des fleurs et de l’étang,
Du bonheur qui n’est plus, de celui qu’on attend,
Des poètes qui font, par leur désir divin,
Notre passage ardent sur la terre, moins vain.