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mariage qui unirait leurs deux monarchies sous leur commun sceptre, et referait, plus glorieuse et plus complète même qu’au temps d’Auguste, de Constantin ou de Justinien, l’antique unité de l’orbis romarins. Le fait ne paraît guère vraisemblable ; mais en tout cas des négociations s’engagèrent pour établir un modus vivendi entre les deux États. Des ambassadeurs francs étaient à Constantinople, quand éclata la catastrophe suprême où Irène succomba.

A mesure que la vieille impératrice baissait, les intrigues devenaient autour d’elles plus ardentes et plus audacieuses. Aétios, tout-puissant maintenant depuis la mort de son rival, poussait ouvertement son frère et tâchait de lui assurer l’appui de l’armée. Contre l’insolente ambition et les hauteurs du favori, d’autres grands seigneurs s’insurgeaient ; et un des ministres, le logothète général Nicéphore, profitait du mécontentement universel pour conspirer à son tour contre la basilissa. Sourdement enfin, le parti iconoclaste préparait sa revanche. Le 31 octobre 802 la révolution éclata. « Dieu, dit le pieux chroniqueur Théophane, la permit en son incompréhensible sagesse, pour punir les fautes de l’humanité. »

Irène était en villégiature au palais d’Eleuthérion, sa résidence préférée. Les conjurés, parmi lesquels se rencontraient d’anciens amis d’Aétios mécontens du favori, d’anciens familiers de Constantin VI, plusieurs officiers iconoclastes désireux de vengeance, de hauts fonctionnaires civils, des courtisans enfin et jusqu’à des parens de l’impératrice, tous comblés de ses dons, profitèrent de cette absence. A dix heures du soir, ils se présentèrent aux portes du Palais Sacré, exhibant aux gardes de la Chalcé de prétendus ordres de la basilissa, par lesquels elle commandait de proclamer sans retard Nicéphore empereur, afin qu’il lui aidât à résister aux intrigues d’Aétios. Les soldats se laissèrent persuader, et livrèrent le palais.

Dans toute révolution byzantine, c’était là le point essentiel dont il fallait d’abord s’assurer, et comme le gage et le symbole du succès. Et en effet la nuit n’était pas achevée, que par toute la ville des messagers avaient annoncé l’élévation de Nicéphore et la réussite du coup d’Etat, sans que personne tentât de faire résistance. En même temps Irène, arrêtée par surprise à Eleuthérion, était sous bonne garde ramenée à Constantinople et enfermée au Palais Sacré ; et dès le lendemain matin, dans