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scrupule de faire échouer l’expédition par un mensonge qui ressemblait fort à une trahison ; l’empereur dut revenir à Constantinople sans avoir pu joindre l’ennemi et sans avoir rien fait.

La crise décisive approchait. Le 17 juillet 797, Constantin VI revenait de l’Hippodrome et rentrait au palais de Saint-Mamas. ! Les traîtres qui l’environnaient jugèrent l’occasion propice et tentèrent de l’arrêter. Mais le prince leur échappa, et, se jetant dans un vaisseau, il passa en hâte sur le rivage d’Asie, comptant sur la fidélité des troupes qui occupaient le thème anatolique. Et déjà Irène, qui à la nouvelle de l’attentat avait tout aussitôt pris possession du Grand Palais, s’effarait, perdait la tête ; déjà, voyant ses amis hésiter et le peuple favorable à Constantin, elle songeait à s’humilier et à envoyer vers son fils des évêques pour mendier sa grâce, lorsque sa passion du pouvoir suprême lui inspira l’idée de jouer une dernière carte. Beaucoup de gens de l’entourage impérial s’étaient fort compromis avec elle ; elle les menaça de les dénoncer au basileus, et de lui faire tenir les petits papiers qui prouvaient leur trahison. Epouvantés de ces déclarations, et ne voyant point d’autre moyen d’échapper à une perte certaine, les conjurés, retrouvant courage, se saisirent de leur infortuné souverain. On le ramena à Constantinople, on l’enferma au Palais Sacré, dans la chambre de la Pourpre, où il était né, et là, par l’ordre de sa mère, le bourreau vint lui crever les yeux. Pourtant il ne mourut pas. Relégué dans une somptueuse habitation, il finit par obtenir qu’on lui rendît sa femme Théodote, qui dans la crise suprême l’avait courageusement soutenu ; il eut même d’elle un second fils, et il passa ainsi, dans une tranquille obscurité, les dernières années de son existence. Mais dès ce moment sa vie impériale était finie.

Personne, ou à peu près, ne pleura le sort du malheureux prince. Les dévots, dans leur étroit fanatisme, virent dans sa disgrâce la punition légitime et divine de son union adultère, le juste châtiment des rigueurs qu’il avait ordonnées contre les moines, un exemple mémorable enfin, par lequel, comme dit Théodore de Stoudion, « les empereurs eux-mêmes apprendront, à ne pas violer les lois de Dieu, à ne point déchaîner des persécutions impies. » Cette fois encore, les âmes pieuses saluèrent avec admiration et reconnaissance l’acte libérateur accompli par la très chrétienne basilissa Irène. Seul, le chroniqueur Théophane, malgré son dévouement à la souveraine, semble avoir