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s’efforçait d’apaiser, à force de tempéramens, cette tempête formidable. Comme le principal foyer de l’opposition était le couvent de Sakkoudion en Bithynie, il se transportait, sous le prétexte d’une villégiature, dans la ville d’eaux de Pruse ; et de là, profitant du voisinage, il entamait avec les moines du célèbre monastère toutes sortes de négociations courtoises. Il finit même, dans l’espoir de les pacifier par cette politesse, par leur rendre visite en personne. Rien n’y fit. « Même s’il faut verser notre sang, déclarait Théodore de Stoudion, nous le verserons avec joie. »

Devant cette intransigeance, l’empereur eut le tort de perdre patience : il se décida à agir par la force. Des arrestations furent ordonnées : un certain nombre de religieux furent battus de verges, emprisonnés ou exilés ; on dispersa le reste de la communauté. Mais ces rigueurs ne firent que compliquer la situation. Partout les moines fulminaient contre le tyran, contre « le nouvel Hérode, » et, jusque dans son palais, l’abbé Platon venait l’insulter en face. Constantin VI se ressaisit. Aux injures de l’higoumène, froidement il se contenta de répondre : « Je ne veux point faire des martyrs, » et il le laissa dire. Malheureusement pour lui, il en avait trop fait déjà. L’opinion publique était exaspérée contre le jeune souverain : Irène sut en profiter.

Pendant le séjour de la cour à Pruse, l’impératrice mère avait fort habilement manœuvré. Les circonstances d’ailleurs l’avaient servie à souhait. Très épris de sa femme Théodote, qui avait dû revenir dans la capitale pour faire ses couches au Palais Sacré, Constantin VI, lorsque au mois d’octobre 796 il apprit qu’un fils lui était né, s’empressa de partir pour Constantinople. Il laissait ainsi le champ libre aux intrigues d’Irène. Par ses cadeaux, par ses promesses, par sa séduction personnelle, celle-ci eut vite fait de gagner à ses intérêts les principaux officiers de la garde ; elle leur fit accepter un projet de coup d’Etat qui la ferait seule impératrice, et les conjurés dont Staurakios, comme toujours, dirigeait la conduite, convinrent d’attendre le moment favorable. Un point noir subsistait pourtant, par où tout pouvait manquer. Il suffisait de quelque brillant succès militaire pour rendre à Constantin VI son prestige ébranlé : or justement, au mois de mars 797, le basileus venait d’entrer en campagne contre les Arabes, Les amis de sa mère ne se firent point