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elle l’amour maternel. Brutalement elle frappa. Les conjurés arrêtés furent torturés, exilés ou emprisonnés : chose plus grave, l’empereur lui-même fut battu de verges comme un enfant rebelle, tancé d’importance par sa mère, et mis pour plusieurs jours aux arrêts dans son appartement. Après cela, l’impératrice se crut sûre du triomphe. Ses flatteurs aussi bien entretenaient son illusion, lui affirmant « que Dieu même ne voulait point, que son fils régnât. » Superstitieuse et crédule comme tous ses contemporains, elle se laissait prendre à ces paroles et aux oracles des devins qui lui promettaient le trône ; et, pour se l’assurer, elle risqua le tout pour le tout. Un nouveau serment de fidélité fut demandé à l’armée ; les soldats durent jurer d’après cette formule inattendue et singulière : « Aussi longtemps que tu vivras, nous ne reconnaîtrons point ton fils comme empereur ; » et dans les acclamations officielles, le nom d’Irène fut mis avant celui de Constantin.

Cette fois encore, comme en 786, l’ardente et ambitieuse princesse était allée trop vite. En 790, un pronunciamiento éclata parmi les régimens d’Asie en faveur du jeune empereur tenu en tutelle. Du corps d’armée d’Arménie, la révolte gagna les autres thèmes ; bientôt toutes les troupes rassemblées exigèrent la mise en liberté de Constantin VI et sa reconnaissance comme unique et véritable basileus. Irène prit peur ; elle céda. Elle se résigna à relâcher son fils, à abdiquer le pouvoir ; impuissante et furieuse, elle dut voir éloigner et disgracier ses amis les plus chers. Staurakios, le premier ministre, fut tonsuré et exilé en Arménie ; Aétios, un autre de ses familiers, partagea sa disgrâce. Elle-même dut se retirer dans son magnifique palais d’Eleuthérion, et autour du jeune prince solennellement proclamé, elle vit rentrer en grâce tous ceux qu’elle avait combattus, tous les ennemis des images restaurées par elle, et, au premier rang, le vieux Michel Lachanodracon, qui fut élevé à la haute charge de maître des offices.


Mais Constantin VI n’avait aucune haine contre sa mère. Un an à peine s’était écoulé depuis la chute d’Irène qu’au mois de janvier 792, cédant à ses prières, le jeune prince lui rendait le titre d’impératrice, la rappelait au Palais Sacré, l’associait au pouvoir ; en même temps qu’elle, la faiblesse du basileus ramenait aux affaires l’eunuque Staurakios son favori. Irène revenait