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palais même, Anthousa, une fille de Constantin V, conservait sans peur et sans scrupules sa dévotion aux icônes prohibées. Irène crut pouvoir imiter sa belle-sœur et se flatta de restaurer secrètement, dans la résidence souveraine, le culte interdit. La tentative devait avoir d’assez tragiques conséquences. Au mois d’avril 780, plusieurs personnes de l’intimité de l’impératrice furent, par ordre de Léon IV, arrêtées et suppliciées, comme manifestement suspectes de sentimens iconophiles. La basilissa elle-même fut compromise dans l’affaire. On raconte qu’un jour, dans son appartement, son mari découvrit, cachées sous des coussins, deux images de saints. À cette vue, Léon IV entra dans une violente colère ; et quoique Irène, toujours prête aux sermens, jurât qu’elle ignorait qui les avait mises là, sa faveur chez l’empereur en éprouva une sérieuse atteinte ; et elle était tombée dans une demi-disgrâce, lorsque, fort heureusement pour elle, Léon IV mourut assez subitement, au mois de septembre de la même année 780. L’héritier du trône était un enfant, Constantin VI, âgé de dix ans ; tutrice de son fils et régente, Irène était impératrice.


II

Peu de personnages historiques sont plus difficiles à juger que la célèbre souveraine qui restaura l’orthodoxie à Byzance. On sait qu’elle était belle ; tout fait croire qu’elle fut chaste et que, jetée toute jeune dans une cour corrompue et glissante, elle s’y garda toujours irréprochable ; elle était pieuse enfin. Mais cela dit, que savons-nous d’Irène ? Que valut son esprit ? Que fut son caractère ? Sans doute, pour l’entrevoir, nous avons les actes de son gouvernement. Mais ces actes, les voulut-elle par elle-même ? eut-elle sur le trône des idées personnelles ? ou ne fut-elle qu’un instrument aux mains de conseillers habiles ? Ce sont autant de problèmes malaisés à résoudre, et d’autant plus obscurs que les écrivains de son temps ont épuisé pour cette princesse orthodoxe et dévote toutes les formules d’une admiration sans réserves.

On a donc pu, à leur suite, peindre Irène sous les dehors les plus flatteurs, et l’on ne s’en est point fait faute en notre siècle. Un romancier célèbre, qui s’amusa au temps de sa jeunesse à esquisser le portrait de la très pieuse impératrice, nous la