Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 32.djvu/149

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

écrit avant les événemens de Brumaire[1], elle apparaît aussi dans l’ouvrage de Villers ; et si tous deux se prononçaient pour la Réforme, c’est que cette religion leur semblait être celle qui offrait le plus de conformité avec les institutions républicaines.

La thèse ainsi posée, Villers la développe. La volonté d’être libre dans les matières de conscience est la même, au fond, que la volonté d’être libre en « matière civile : » liberté politique et liberté religieuse ne sont que les deux faces du même problème. Or, la Réforme a « affranchi l’esprit humain…, sondé les fondemens des sociétés ébranlées, discuté les droits des peuples, ceux des gouvernemens, ceux de l’État et de l’Eglise[2]. » Elle est la religion des « lumières ; » elle donne à l’individu conscience de sa dignité morale ; elle est pour les nations un principe de vie. Villers passe en revue[3] tous les États protestans d’Europe, Allemagne, Danemark, Suède, Suisse, Genève, Hollande, Angleterre ; il y joint les États-Unis d’Amérique, et, dans des pages où, à côté de beaucoup de partialité, percent des vues fines et ingénieuses, il prétend montrer la supériorité de ces nations sur les nations catholiques. L’Angleterre, la Hollande doivent aux événemens de la Réforme le développement de leur marine ; le « génie du patriotisme et de la liberté » a fait la grandeur du second de ces peuples. Les petits États protestans comme Genève ont une vie « active, propre, indépendante ; » ils offrent un « avantage immense pour l’humanité. » Car Villers aime peu les grands États ; il a très éloquemment signalé l’inconvénient des grandes capitales, qui aspirent puissamment toute la vie d’un pays : « Chaque ville d’une médiocre étendue, dit-il, n’est pas frappée et paralysée par l’idée qu’elle n’est rien, qu’à cent ou deux cents lieues d’elle est une autre ville plus grande qui est tout, un gouffre où vont s’absorber ses labeurs, une ville où toute la gloire de l’empire brille en un seul point et hors de laquelle il n’est pas de salut, hors de laquelle il n’est qu’ilotisme politique, moral et littéraire pour toute une immense contrée. » Il a parlé aussi en véritable historien des États-Unis[4] fondus par des « partisans de la Réforme et de la liberté, » de l’avenir de ce peuple, de l’influence incontestable qu’il a exercée sur l’esprit des

  1. Voyez la Revue des Deux Mondes du 1er novembre 1899.
  2. Deuxième édition, pages 373-374.
  3. Première section de la deuxième partie.
  4. Page 188 et suiv.