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rempli les trente dernières années et dont l’ère aujourd’hui paraît close. Il est par conséquent possible autant que désirable d’arriver entre Russes et Anglais à une entente du genre de celle que viennent de négocier la France et l’Angleterre. L’idée seule d’une telle entente provoque d’ordinaire des deux parts des tempêtes de protestations. Ce n’est point un motif suffisant pour renoncer à la soutenir. Elle a en Angleterre et en Russie de chauds partisans. Les défenseurs qu’elle compte en France et qui considèrent le rapprochement anglo-russe comme aussi utile aux deux grandes nations qu’il unirait qu’à notre pays lui-même, restent fidèles à leur opinion. Le temps d’ailleurs semble travailler pour elle et orienter, de plus en plus résolument, les relations anglo-russes dans les voies de la conciliation. Depuis l’accord du 10 septembre 1885 qui mit fin à la crise violente provoquée par l’initiative du général Komaroff, ces relations n’ont jamais cessé de s’améliorer. L’affaire du règlement de frontières du Pamir a été résolue à l’amiable. À cette date, d’un commun accord, Anglais et Russes ont fixé la frontière entre l’Afghanistan et le Beloutchistan. Enfin, la question du Thibet, pas plus que le dernier traité anglo-afghan n’ont donné lieu à des incidens. Et si les Russes, avec leur ligne transcaspienne et ses embranchemens récens, arrivent jusqu’aux portes de Hérat, comme les Anglais, grâce au développement continu de la « frontière scientifique, » parviennent à celles de Candahar, l’attitude d’hostilité des deux peuples concurrens semble s’être apaisée plutôt qu’aigrie. La détente peut aboutir à une entente. C’est là une œuvre de longue haleine qui, à considérer le passé, semble invraisemblable et utopique, mais qui, dans le présent et surtout dans l’avenir, trouvera sa justification. Il est d’une sage politique d’y songer d’avance et d’y voir la future loi des relations anglo-russes en Asie centrale.


Rouire.