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l’Afghanistan et la Russie. Si cet accord donna à cette dernière à peu près tout le territoire contesté, du moins l’Angleterre obtint-elle ici encore confirmation de la situation qu’elle tenait, de par les accords antérieurs, en Afghanistan.

Quelques années après d’ailleurs, un dernier règlement de frontière nécessité par des difficultés survenues du côté du Turkestan afghan vint compenser largement pour l’émir la perte du territoire perdu au midi de Merv. Cette fois, les Afghans avaient été les agresseurs. Malgré les stipulations du traité anglo-russe de 1872 qui avait fixé la limite entre l’Afghanistan et le khanat de Boukhara, vassal de la Russie, au cours de l’Amou-Daria, ces derniers, sans attendre qu’une commission eût fixé ces limites sur place, avaient, en 1883, franchi le fleuve et s’étaient emparés du Wakhan, du Chougnan et du Rochan. Par elle-même la région a peu de valeur ; la population y est très clairsemée sur d’immenses espaces : c’est tout au plus si on y compte 35 000 habitans, mais elle a une importance stratégique de premier ordre. C’est le plateau du Pamir, « le Toit du monde, » le nœud orographique de toute l’Asie, d’où s’irradient les cimes les plus altières du globe, le Korakorum, l’Himalaya, l’Hindou-Kouch, l’Altaï. Le possesseur du Pamir est le maître de tous les défilés qui conduisent dans cette direction dans l’Inde, l’Afghanistan, la Chine, le Turkestan et la Russie d’Asie.

On comprend l’intérêt majeur qu’avait la Russie à ne pas se laisser évincer d’une telle région. Pour mettre fin aux empiétemens afghans et fixer une fois pour toutes la frontière dans ces parages, elle entama des pourparlers à Londres. Au cours des négociations qui s’ensuivirent, elle fit preuve, du reste, de modération et de désintéressement. Malgré les clauses du traité de 1872 qui donnait à la Russie les territoires au nord de l’Oxus, à l’Afghanistan, ceux situés au midi de ce fleuve, l’Angleterre insistait pour que le Wakhan fût laissé à l’émir, de manière à rester maîtresse des passes et des défilés qui, à travers la chaîne de l’Hindou-Kouch, aboutissent dans le bassin de l’Indus. C’était demander à la Russie de renoncer à la possession du Petit-Pamir. Pourtant, celle-ci voulant montrer qu’elle n’avait aucune visée qui pût faire craindre pour la sécurité de l’Inde, se prêta de bonne grâce à une pareille cession, et ne se réserva que le Grand-Pamir. Aux termes de l’accord conclu le 11 mars 1895, le Chougnan et le Rochan firent retour à l’empire russe ; le Wakhan fut