Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 32.djvu/116

Cette page a été validée par deux contributeurs.

domination russe à Caboul se dressa à ses yeux. Incontinent, les mesures furent prises pour envoyer une grande expédition à Caboul, détrôner Dost-Mohammed, et le remplacer par un ami dévoué par avance aux intérêts de l’Angleterre.

Les hostilités débutèrent dans l’Afghanistan méridional où une armée anglo-indienne de 21 000 hommes pénétra par la passe de Bolân. Candahar fut occupé en avril 1839, et Shah-Soudja, l’ancien émir qu’avait chassé Dost-Mohammed, intronisé à nouveau dans la grande mosquée : Ghasni fut prise d’assaut, et Dost-Mohammed, abandonné de la plupart de ses soldats, s’enfuit avec une poignée de fidèles au-delà de l’Hindou-Kouch, puis dut se rendre finalement aux Anglais, qui l’internèrent dans l’Inde. Le 7 août, Shah-Soudja fit une entrée solennelle à Caboul et Burnes fut installé comme ministre résident auprès de lui.

Mais de cruels déboires ne tardèrent pas à montrer dans quelle erreur était tombé lord Auckland en employant cette méthode brutale d’implanter l’influence anglaise en Afghanistan. Le 2 novembre 1841, la population de Caboul s’insurgea. Burnes fut massacré avec une partie des officiers anglais et leurs partisans, et les troupes anglaises, isolées, ne pouvant vivre dans un pays où les difficultés de ravitaillement étaient extrêmes, durent signer une humiliante capitulation de retraite et quitter Caboul pour rentrer dans l’Inde. Attaquées par les tribus montagnardes maîtresses des défilés, épuisées par le froid et la faim, elles furent écrasées dans une série de combats meurtriers et massacrées en détail. À Gundamak, il ne restait plus que vingt soldats. Seul, le docteur Bryden, blessé, put s’échapper et apporter à Djellalabad la nouvelle de l’épouvantable désastre.

Quelques mois plus tard, il est vrai, une nouvelle armée anglo-indienne pénétrait en Afghanistan et entrait à Caboul ; mais elle se bornait, pour toutes représailles, à détruire la citadelle et à incendier le bazar central, et rentrait dans l’Inde.

C’est qu’on avait compris enfin en Angleterre la lourdeur de la faute commise et qu’un vif sentiment de réaction s’y était produit contre la politique d’aventures et de conquêtes. On s’y était dit que cette politique avait nécessité, pendant trois années, l’emploi en Afghanistan d’une trentaine de mille hommes et une dépense totale de cinq cents millions, et l’on ne voulait plus entendre parler de contraindre les Afghans à accepter un émir imposé par la force, et Shah-Soudja ayant été, au cours des