de la frontière contre les agressions ou les intrigues de l’étranger, tels furent les principes directeurs que préconisa lord Auckland, principes qui ont servi et servent encore de guide au gouvernement anglo-indien dans ses rapports avec l’Afghanistan.
Mais comment se fit-il que lord Auckland, qui conçut un programme si avisé et si prudent, prit précisément, dans les mesures d’exécution, le contre-pied de ce qui était nécessaire pour le faire aboutir ? Il y a, comme on sait, deux méthodes pour une puissance européenne d’établir son influence dans un pays d’outremer : la méthode de douceur qu’on est convenu d’appeler aujourd’hui la pénétration pacifique, qui, par des conseils prudens et amicaux, des secours judicieux et donnés à propos, crée entre les indigènes et le pouvoir protecteur un attachement fondé sur l’intérêt ; et la méthode de force qui consiste à employer les moyens violens, y compris l’occupation permanente du pays. La première avait toutes chances de réussir en Afghanistan. L’émir d’alors, Dost-Mohammed, qui avait, à la suite d’une des insurrections si fréquentes dans ce pays, chassé de Caboul Shah-Soudja, était un prince intelligent, avisé, qui ne demandait pas mieux que de s’entendre avec les Anglais pour affermir sa domination menacée au-dedans par les partisans de l’ancien émir, au dehors par les progrès des Sikhs, qui ne cessaient d’empiéter sur ses frontières au Nord-Est. Il sollicitait même l’appui du gouvernement de l’Inde contre Runtjet-Singh, le chef de la confédération shik, qui lui avait enlevé le Cachemire et une partie du Pendjab. Il ne dépendit alors que de lord Auckland de profiter de l’occasion pour asseoir solidement l’influence anglaise à Caboul. Par quelle aberration fut-il amené à rejeter les propositions de l’émir ? Craignit-il d’être entraîné dans des complications avec les Sikhs ou tout au moins de mécontenter Runtjet-Singh, qui s’était déclaré l’ami fidèle des Anglais ? Mais il semble bien qu’il eût pu, en une telle conjoncture, et sans compromettre son prestige, faire entendre des conseils de prudence et de modération et jouer entre les deux partis le rôle de conciliateur. Quoi qu’il en soit, Dost-Mohammed, dépité et inquiet, se décida à cherchera Saint-Pétersbourg l’appui qu’il ne pouvait trouver à Calcutta et s’adressa au tsar, qui s’empressa de faire partir pour Caboul un envoyé extraordinaire, Viktevich. Ce fut le feu mis aux poudres. Aussitôt le gouvernement de l’Inde se rappela les invasions antérieures et les projets de Napoléon et du tsar Paul Ier, et le spectre de la