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escouades d’ouvriers pour tracer une route qui permettrait de se rendre en voiture des bords de la Caspienne à Candahar. Au col de Baroghil, à 3 650 mètres, on peut traverser facilement le faîte de l’Asie. Quelques-uns de ces cols sont accessibles aux caravanes. Mais même dans les régions de frimas, l’homme arrive à se frayer un passage pendant de courtes semaines d’été. Au col de Noaksan (Pas de malheur) à 5 100 mètres, le sentier qui s’élève vers le col est taillé dans un glacier. Plusieurs de ces cols sont des voies historiques. L’un, le Kawak, vit passer Alexandre. Tamerlan franchit la chaîne au col de Thaï ; le Chibr, à l’Est de Bamiau, est le col où passa Baber. C’est par les cols de l’Hindou-Kouch qu’ont également passé Mahmoud le Ghaznévide, Akbar, Nadir et Ahmed-Chah : et c’est à trop juste raison que cet étagement de monts porte son nom Hindou-Kouch, (massacreur des Hindous).

C’est à ces nombreux passages que l’Afghanistan doit le rôle qu’il a joué dans l’histoire des conquêtes, du commerce et des migrations. C’est à eux qu’il doit son importance militaire et sa valeur stratégique dans l’attaque ou la défense de l’Inde. Là est en effet le point vulnérable de la péninsule. Cette vulnérabilité, longtemps insoupçonnée par les peuples d’Europe, n’apparut clairement qu’avec l’audacieux projet de Napoléon qui montra de quel côté était pour l’Inde le grand péril. Alors les Anglais se rappelèrent que les trois peuples qui, avant eux, avaient fondé des empires territoriaux dans l’Inde : les musulmans avec Mahmoud le Ghaznévide, les Mogols avec Baber, et les Mahrattes, avaient tous reçu le coup mortel d’une puissance qui a soudainement envahi l’Inde par l’Afghanistan ; et ce jour-là fut marqué un instant capital dans l’histoire de la politique étrangère de la Compagnie des Indes. Avant cette période, les Anglais n’appréhendaient les attaques d’un ennemi que du côté de la mer ; depuis, leurs préoccupations se sont tournées du côté du continent et de l’Afghanistan.


III

Les principes directeurs de la politique anglaise en Afghanistan.

Seulement ce n’est pas le Français qui reste pour l’Angleterre l’ennemi redouté. La prise de l’île Maurice en 1810 et surtout les traités de 1815, qui ne nous laissèrent de nos possessions