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subir les attaques des Portugais, des Hollandais, des Anglais et des Français. Mais la découverte de Vasco de Gama, en ouvrant aux envahisseurs l’accès de l’Inde par la voie maritime, ne fit rien perdre à l’Afghanistan de son importance militaire comme voie d’invasion des vallées du Gange et de l’Indus ; les attaques dans cette direction ne discontinuèrent point, et c’est pendant que les Européens se disputaient la domination sur le littoral, qu’eurent lieu les grandes invasions de Baber, de Nadir-Chah et d’Ahmed-Chah, qui dévastèrent les bassins du Gange et de l’Indus.

On se demandera sans doute quelle est la cause qui unit dans une si étroite dépendance les destinées de l’Afghanistan et de l’Inde : il n’y a pas à la rechercher ailleurs que dans la situation géographique des deux pays. Formant la moitié orientale du plateau de l’Iran dont la Perse occupe la moitié occidentale, se reliant aux hautes terres de l’Asie centrale et aux monts Himalaya par l’énorme massif de l’Hindou-Kouch, confinant à ce « Toit du monde » qui est le centre orographique du continent et où confinent également l’Inde, l’Empire chinois et la Russie d’Asie, l’Afghanistan est le lieu de passage obligé des envahisseurs, des marchands et des migrations de peuples. Il sépare les deux foyers de civilisation : l’Inde et le bassin de l’Euphrate, et son importance principale lui vient des chemins qui réunissent les deux contrées. Sans doute ce plateau montagneux est une des plus hautes intumescences de la terre : le socle qui supporte les sommets dépasse en altitude les plus hautes cimes des Pyrénées, et ces sommets eux-mêmes qui dépassent six mille mètres vont se perdre dans la région des neiges éternelles : mais à travers cet entassement de montagnes s’ouvrent des défiles et des passages nombreux, fréquentés de tout temps, qui unissent les chemins du Turkestan, de la Perse et de l’Inde et rattachent le bassin de l’Indus à l’Europe. Ainsi, sur un espace de 200 kilomètres au Sud du col d’Anjouan, la chaîne est coupée d’une vingtaine de brèches dont la hauteur varie de 3 000 à 4 500 mètres. Près de Caboul est un point où convergent dix-huit sentiers qui traversent les montagnes. Certains de ces défilés sont d’une traversée facile. Au nord-ouest de l’Afghanistan, entre Merv et Hérat, il est un espace où le faîte disparaît presque entièrement, où nul obstacle ne s’opposerait aux armées en marche. Il suffirait de quelques journées de travail à des