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Afghanistan. Descendu de ses montagnes, ce dernier livra la bataille de Paniput, dans laquelle, dit-on, 200 000 hommes périrent, et brisa la puissance mahratte au moment précis où elle semblait sur le point de réunir l’Inde entière sous sa domination.

On voit, par ces invasions répétées au cours des âges, combien ont été liées les destinées de l’Inde et de l’Afghanistan. Cette dépendance a été tellement étroite que l’on peut dire que, depuis l’aurore des temps historiques jusqu’à l’époque de Vasco de Gama, toute l’histoire des relations extérieures de l’Inde s’est concentrée dans l’Afghanistan. En effet, jusqu’à la fin du XVe siècle, l’Inde, bien qu’entourée par la mer à l’Est, à l’Ouest et au Midi, n’avait pas encore été l’objet d’une invasion par la voie maritime. Entre Néarque, l’amiral d’Alexandre, et Vasco de Gama, aucun capitaine européen n’a navigué sur l’Océan Indien, et ces quelques incursions par mer qu’ont effectuées les Arabes, à partir du calife Omar, paraissent n’avoir eu qu’une importance tout à fait locale et limitée. À cette exception près, les seules relations maritimes qu’ait eues l’Inde ont été avec Java : encore faut-il noter que c’est de l’Inde qu’est parti le mouvement, car le langage kawi, de Java, nous présente, dans sa grammaire et dans sa littérature, les traces les plus apparentes de l’influence hindoue. D’autre part, du côté du Nord, l’énorme barrière de l’Himalaya est pour la plaine du Gange ce qu’est la mer pour la péninsule du Dekkan, et isole l’Inde dans cette direction ; et, si l’influence hindoue s’est répandue par le bouddhisme dans le Thibet, l’histoire n’a à enregistrer ni grandes guerres, ni grandes invasions empruntant cette voie. Ainsi l’Inde a été complètement isolée pendant des milliers d’années ; et c’est ici le cas de rappeler que les indigènes dirent à Alexandre le Grand, quand il parut au milieu d’eux, que leur pays n’avait jamais été envahi avant lui. Cet isolement n’a cessé que le jour où, à travers l’Afghanistan, les envahisseurs vinrent de la Perse ou de l’Asie centrale conquérir l’Hindoustan. Après Vasco de Gama, l’Afghanistan joua un rôle moins exclusif dans l’histoire des destinées de l’Inde. La voie terrestre ne fut plus la seule route que suivirent les conquérans. Ouverte par la circumnavigation de l’Afrique à l’activité des nations maritimes de l’Europe, la presqu’île du Dekkan se trouva exposée aux attaques d’un ennemi venant du côté de la mer et elle eut à