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vers l’Angleterre et en avait sollicité un appui que celle-ci avait bien voulu lui accorder, mais en réclamant pour elle la cession de tous les ports appartenant à la Perse sur la Caspienne, celle de l’île Kharrach dans le golfe Persique, et l’autorisation de construire un fort à Bender-Bouchir. Effrayé de pareilles exigences qui, sous prétexte de le défendre, visaient à l’assujettir, Feth-Ali déchira le traité qu’il avait déjà signé avec l’agent britannique Malcolm et écrivit à Napoléon. Aussitôt ce dernier résolut de faire jouer au shah le rôle qu’il avait réservé d’abord au sultan de Mysore et à l’empereur de Russie. Le comte Jaubert, puis le général Gardanne furent envoyés par lui à la cour de Téhéran, et celui-ci présenta au shah un traité par lequel la France garantissait à la Perse l’intégrité de son territoire et lui fournissait des armes, des ouvriers et des officiers. La Perse promettait en retour de déclarer la guerre aux Anglais et de s’entendre avec l’Afghanistan de manière à ouvrir le chemin à une armée française en cas d’expédition contre l’Hindoustan. En même temps, le général Gardanne envoyait, en décembre 1807, à Napoléon un projet d’invasion de l’Inde par la Perse. Deux chemins conduisent à Delhi, disait notre ambassadeur, le premier, celui de l’Euphrate, par Alexandrette, Bagdad, Ispahan, Yezd, Candahar ; le second, celui de la Mésopotamie, par Alep, Hérat, Caboul et Peïchawer. La première de ces voies emprunte le midi de la Perse et suit la côte du Mékran, la seconde, le nord de ce pays et la région montagneuse du Khorassan. « Il était également facile, ajoutait-il, à une armée française qui suivrait l’une ou l’autre de ces routes, de pénétrer dans l’Afghanistan, d’entraîner à sa suite les tribus guerrières et pillardes de cette région en leur montrant l’Inde comme proie et de tomber avec elles comme une avalanche du haut de leurs montagnes dans le bassin de l’Indus. » Le traité de Tilsitt, en faisant de la France l’amie de la Russie, ennemie de la Perse, vint rompre ces négociations et couper court à ces projets. Le général Gardanne dut partir, et l’Angleterre, qui avait désormais le champ libre devant elle, en profita pour envoyer auprès du shah la mission de sir Gore Ouseley et acquérir une influence prépondérante à la cour de Téhéran.

Mais il ne parut pas suffisant à l’Angleterre, pour contrecarrer les projets de Napoléon, de s’être concilié les bonnes grâces de la Perse. Le rôle capital que devaient jouer dans l’accomplissement