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dans un ensemble de faits sur lesquels il y aurait encore bien des choses à dire. Tout porte à croire que l’occasion ne nous en fera pas défaut.


Les dernières nouvelles d’Algésiras ne sont pas bonnes : on commence à se demander si la Conférence aboutira. C’est un point sur lequel nous avons toujours eu des doutes, et nous les avons à plusieurs reprises discrètement exprimés. Fallait-il aller à la Conférence ? Le gouvernement de la République a dû éprouver de vives perplexités lorsque la question s’est posée à lui pour la première fois. Il y avait là, en effet, du pour et du contre. Le gouvernement a pris quelques précautions, mais elles ont été incomplètes ; il a demandé quelques garanties, mais elles ont été insuffisantes. M. Rouvier est trop intelligent pour ne s’en être pas rendu compte ; mais il a senti, d’une part, qu’il n’obtiendrait pas de meilleures conditions préalables, de l’autre, qu’un refus formel d’aller à la Conférence serait interprété par l’Allemagne comme un acte de mauvais vouloir, et par d’autres puissances comme un acte de défiance. Après avoir envisagé tous les côtés du problème, il l’a résolu dans le sens le plus conciliant. Le langage tenu à Berlin paraissait l’être aussi. Il consistait à répéter que, si nous acceptions la Conférence, on nous en saurait gré et qu’on nous le témoignerait par la suite. Là-dessus nous avons dit oui, et nous sommes allés à Algésiras. Nous avions toujours déclaré que nous pousserions les concessions jusqu’au point où nos intérêts vitaux seraient compromis. Or, l’acceptation de la Conférence n’était pas préjudiciable à nos intérêts vitaux. Nous restions parfaitement libres de les défendre devant elle, et, si nous n’obtenions pas qu’ils fussent respectés, de refuser notre consentement à des propositions qui ne pouvaient devenir valables que si toutes les puissances y adhéraient.

Notre confiance dans les résultats de la Conférence était limitée ; elle existait cependant. Ce n’est pas nous qui avons provoqué la réunion de la Conférence ; c’est l’Allemagne, et, devant les témoignages de bonne volonté dont elle nous prodiguait l’assurance, nous étions fondés à croire qu’elle s’était rendu compte des difficultés à surmonter et qu’elle en avait trouvé les moyens. Pourquoi ne les aurait-elle pas trouvés ? Il dépendait d’elle, en somme, et d’elle seule, de pousser à son tour la conciliation jusqu’au point où l’accord avec nous deviendrait possible : pourquoi aurions-nous décidé d’avance qu’elle ne le ferait pas ? Elle serait en droit aujourd’hui de nous adresser un reproche si nous avions, qu’on nous passe le mot, caché notre jeu et