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imposer la leur. On se serait cru en plein protestantisme, où l’autorité est partout et remonte volontiers de bas en haut. Les curés eux-mêmes et les évêques se sont divisés. Il y en a eu, hélas ! qui ont approuvé les désordres : ils y ont vu une belle manifestation de foi catholique, un renouvellement de l’ardeur des vieux âges, un précieux gage d’avenir. Erreur dangereuse ! A quoi peut aboutir la résistance qui s’est produite ? Elle n’empêchera pas un seul inventaire. Il y a quelque chose d’un peu puéril dans ce grand effort fait à propos de rien, pour aboutir à rien. Parmi nos évêques, le plus grand nombre ont reconnu le péril, et, puisque le maximum de désordre s’est produit à Paris, c’est du côté de l’archevêché de Paris que nous nous tournons surtout. Les intentions de Mgr Richard ont toujours été excellentes, les instructions qu’il a données ont été pleines de mesure, mais il n’a pas été maître du mouvement, et il n’a pu qu’en déplorer les écarts. Il l’a fait, non sans fermeté. On sait qu’il a refusé d’accepter la démission des curés de Saint-Sulpice et de Sainte-Clotilde, dont le premier avait été l’objet de vives attaques pour avoir voulu maintenir l’ordre dans son église, et dont le second n’y a pas réussi dans la sienne : son autorité y a été méconnue et presque bafouée. C’est sans doute à cet épisode que fait allusion la Semaine religieuse de Paris, dans une note dont Mgr Richard a toutefois décliné la paternité directe, lorsque, après avoir déploré les actes d’indiscipline qui se sont produits, quelquefois « avec une violence des plus regrettables, » elle parle d’un curé auquel les « fidèles » ont dit : « Vous n’êtes ici que notre gérant ! » Et la Semaine religieuse ajoute : « Plaise à Dieu maintenant que l’horizon, si chargé de nuages, ne tarde pas à s’éclaircir ! Le peuple catholique se lasse d’être traîné depuis des mois et des mois dans le dédale de savantes persécutions où il a peine à garder la pleine conscience de lui-même. Comme les armées en déroute qui abandonnent les unes après les autres les terres aimées de la patrie, il serait presque sur le point de ne plus croire à ses chefs et de crier : Trahison ! Une pareille attitude serait lamentable. A qui, cependant, faudrait-il en faire remonter toute la responsabilité ? »

La responsabilité n’en appartient tout entière à personne : elle se divise, ce qui peut-être la diminue. Mais, si le présent est trouble, l’avenir est in qui étant. A peine la loi de séparation est-elle promulguée, avant même qu’elle soit appliquée, on peut déjà se rendre compte du danger auquel elle expose une Église dont nous avons défini plus haut le caractère organique. La Semaine religieuse l’avoue sans ambages : 1e mot de trahison résonne déjà à l’oreille des pasteurs ; et pourquoi ?